Le sujet de l’indiscipline à l’école ne recoupe pas celui de la violence scolaire. Plus diffuse, l’indiscipline contamine nombre d’établissements, avec des formes et des intensités variées, alors que la violence reste un phénomène localisé, souvent déterminé par des caractéristiques d’ordre socio-économique. Si l’on peut envisager de dresser une carte de la violence scolaire, la démarche n’aurait guère de sens pour l’indiscipline.
Le sujet de l’indiscipline à l’école ne recoupe pas celui de la violence scolaire. Plus diffuse, l’indiscipline contamine nombre d’établissements, avec des formes et des intensités variées, alors que la violence reste un phénomène localisé, souvent déterminé par des caractéristiques d’ordre socio-économique. Si l’on peut envisager de dresser une carte de la violence scolaire, la démarche n’aurait guère de sens pour l’indiscipline.
La confrontation à un manque de discipline était jadis le premier test du professeur, celui qui marquait l’entrée dans le métier. Elle est aujourd’hui devenue, pour beaucoup d’enseignants, une épreuve quotidienne. D’une manière générale, ils ne savent plus très bien ce qu’ils peuvent demander en matière de comportement. L’école, notait Antoine Prost, est dans cette étonnante situation où pour fonctionner elle doit commencer par créer les conditions qui rendent possible son fonctionnement même.
Il faut aujourd’hui prolonger ce constat et dire que, non seulement, il n’y a plus d’exigences de comportement prédéfinies, mais que, dans bien des classes de bien des établissements, celles-ci ne sont jamais acquises de manière définitive. Il faut sans cesse réaffirmer les règles, redire les normes et les usages. Les épreuves et les rapports de force sont sans cesse à rejouer. Le cadre de travail se renégocie sans cesse.
Il n’y a plus, comme jadis, une sorte de round inaugural au cours duquel les règles étaient affirmées – parfois de manière brutale et malhabile, n’idéalisons pas trop le passé, mais elles étaient bel et bien posées. Certes il fallait de temps à autre les réaffirmer, mais les situations scolaires étaient dans l’ensemble beaucoup plus stables.
Le sujet de l’indiscipline à l’école ne recoupe pas celui de la violence scolaire. Plus diffuse, l’indiscipline contamine nombre d’établissements, avec des formes et des intensités variées, alors que la violence reste un phénomène localisé, souvent déterminé par des caractéristiques d’ordre socio-économique. Si l’on peut envisager de dresser une carte de la violence scolaire, la démarche n’aurait guère de sens pour l’indiscipline.
La confrontation à un manque de discipline était jadis le premier test du professeur, celui qui marquait l’entrée dans le métier. Elle est aujourd’hui devenue, pour beaucoup d’enseignants, une épreuve quotidienne. D’une manière générale, ils ne savent plus très bien ce qu’ils peuvent demander en matière de comportement. L’école, notait Antoine Prost, est dans cette étonnante situation où pour fonctionner elle doit commencer par créer les conditions qui rendent possible son fonctionnement même.
Il faut aujourd’hui prolonger ce constat et dire que, non seulement, il n’y a plus d’exigences de comportement prédéfinies, mais que, dans bien des classes de bien des établissements, celles-ci ne sont jamais acquises de manière définitive. Il faut sans cesse réaffirmer les règles, redire les normes et les usages. Les épreuves et les rapports de force sont sans cesse à rejouer. Le cadre de travail se renégocie sans cesse.
Il n’y a plus, comme jadis, une sorte de round inaugural au cours duquel les règles étaient affirmées – parfois de manière brutale et malhabile, n’idéalisons pas trop le passé, mais elles étaient bel et bien posées. Certes il fallait de temps à autre les réaffirmer, mais les situations scolaires étaient dans l’ensemble beaucoup plus stables.
Chahuts chroniques
L’indiscipline a indéniablement changé de nature et c’est bien cela qu’il importe de comprendre. Nous sommes passés, en quelques décennies, de chahuts que l’on peut qualifier d’intégrateurs à des chahuts de nature anomique – c’est-à-dire plus sporadiques, sans fédération autour d’un chef.
Que veut-on dire par chahuts intégrateurs ? On parle d’agitations circonscrites dans le temps – elles ont lieu toujours aux mêmes moments, en fin de semaine, un peu avant les vacances – et sont souvent situées dans des lieux échappant à une surveillance régulière. Ces transgressions toujours fortement ritualisées témoignent, aussi paradoxal que cela puisse paraître, d’une adhésion aux règles de l’ordre scolaire.
Si l’on se réfère à la fête du Carnaval sous l’Ancien Régime, on voit en effet que, lorsque les transgressions de l’ordre social sont circonscrites dans le temps et dans l’espace, et ritualisées, nous sommes encore dans un moment de reconnaissance et d’intériorisation des règles de l’ordre social.
Nous sommes donc passés de ce type de chahuts à des chahuts chroniques et diffus. Chroniques car ils sont permanents, diffus car ils sont difficilement localisables. Ils ont lieu dans la cour, les couloirs, les toilettes, la classe… Si le chahut traditionnel participe au travail d’inculcation des règles, le chahut anomique témoigne d’une non-reconnaissance de celles-ci. Non que les règles ne soient pas connues, bien souvent elles le sont, mais elles ne sont plus appréhendées comme des instances structurantes.
De sorte que l’indiscipline contemporaine est plus de l’ordre d’une atmosphère, d’une ambiance, que le résultat de transgressions toujours très clairement repérables.
Bruits de fond, bavardages incessants, interpellations à haute voix, bousculades, jets d’objets divers, plaisanteries déplacées, refus plus ou moins larvés de se mettre au travail… tout cela tendent moins à bousculer l’ordre normatif qu’à l’affaiblir par le jeu incessant des petits désordres.
Indiscipline et souffrance des professeurs
Les personnes étrangères au monde de l’école et de l’enseignement peuvent avoir quelques difficultés à l’imaginer, mais l’indiscipline fait souffrir – elle fait souffrir physiquement et psychologiquement les professeurs. Le professeur chahuté a l’étrange sentiment d’être à la fois victime et coupable. Victime, car dans les actes d’indiscipline, les élèves moquent les convenances, oublient les habitudes et les règles, ignorent les usages et les manières d’être. Si l’indiscipline fait aussi mal, c’est parce qu’elle est vécue comme une mise en cause de l’autorité professorale.
Victime, mais aussi coupable, car les chahuts sont éprouvés de manière plus ou moins confuse comme la conséquence d’une faute personnelle, comme le signe d’une stature professionnelle peu assurée et finalement d’une incapacité à nouer un dialogue constructif avec des élèves. L’indiscipline culpabilise. Cette montée de l’indiscipline dans les lieux d’enseignement affecte la perception du métier de professeur, en faisant passer au second plan la tâche de transmission par rapport à celle de maintien de l’ordre. Ne nuirait-elle pas non plus à l’attractivité du métier, comme le montre la baisse du nombre de candidats aux concours ?
L’indiscipline est aussi et enfin un frein à l’étude. Les enquêtes PISA le disent aujourd’hui sans détour (l’enquête de 2009 est la première, peut-être, à insister aussi fortement sur le lien entre discipline et résultats scolaires.
Dans l’enquête Talis en juin 2019 par l’OCDE, 35 % des enseignants français disent être confrontés à des problèmes de discipline, contre 28 % en moyenne dans les autres pays. Et le temps consacré par les profs à maintenir le calme ferait perdre 7,5 jours de classe par an aux élèves des collèges défavorisés.
Le temps passé à établir le calme est toujours du temps de perdu. Nous le pressentions. Pour tout dire, nous le savions. Une classe studieuse n’est autre qu’une classe apaisée.
Eirick Prairat, philosophe de l’éducation et membre du conseil scientifique de la Mission laïque française