Mission laïque française

Pourquoi amener les élèves à se questionner sur l’égalité filles – garçons ?

Egalité filles-garçons dans l'éducation

Nous avons l'impression que les questions d'égalités des genres vont de soi. Pourtant et malheureusement, le problème demeure, et ce, quel que soit le champ que l’on examine.

Les stéréotypes de sexe sont toujours présents dans nos sociétés et ils se mettent en place dès le plus jeune âge. Ils ont une influence sur la manière dont les garçons et les filles construisent leur identité et leur orientation professionnelle.

Petit tour d’horizon en France

En France, les femmes gagnent 23 % de moins que les hommes. À temps de travail équivalent, elles perçoivent 16,8 % de moins que les hommes. Plus on s’élève sur l’échelle des salaires, plus les écarts entre femmes et hommes sont grands.

Dans la sphère privée et domestique, plus de 44 % des mères de familles nombreuses travaillent à temps partiel, contre 5 % des pères. De plus, le temps supplémentaire que consacrent quotidiennement les femmes aux tâches domestiques par rapport aux hommes est d’une heure trente en France.

Le milieu politique n’est pas en reste. Jusqu’à maintenant,  la France n’a compté qu’une seule femme premier ministre et moins de 20% des maires sont des femmes.

Enfin, et c’est effrayant, au cours de leur vie, 14,5 % des femmes déclarent avoir vécu au moins une forme d’agression sexuelle, contre seulement 3,9 % des hommes, selon l’enquête Virage (Violences et rapports de genre) de l’Institut national d’étude démographique (INED). 

Notre quotidien se noie dans des stéréotypes, des idées socialement construites sur chacun des sexes qui ont un poids indéniable sur les inégalités hommes-femmes et le domaine de l’éducation n’est pas épargné.

L’égalité fille -garçon, une obligation légale et une mission fondamentale de l’École

Cette chanson d’Eddy de Pretto “Kid” met en avant la pression de la virilité triomphante qui s’exerce sur les garçons.

Les stéréotypes touchent autant tant les femmes que les hommes.  Pour autant, cette question d’égalité de genre à l’École n’est pas nouvelle et a fait l’objet d’une convention interministérielle. 

En effet, en 2017 le président de la République déclarait que l’égalité entre les femmes et les hommes était une « grande cause nationale » du quinquennat. Pour cela, il a désigné l’éducation comme étant le premier pilier qui permet de  diffuser une  culture de l’égalité et qui permet aussi de  prévenir et de combattre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles.

Lutter en faveur de l’égalité entre les sexes s’inscrit aussi dans le principe d’égalité des chances et du respect d’autrui qui est une des missions de l’École.

Ce rôle assigné à l’école est d’autant plus important que chaque année, des enquêtes réalisées par le ministère de l’éducation nationale montrent que les différences selon les sexes persistent. Ces différences se retrouvent au niveau des parcours scolaire et au niveau des choix d’orientation et de poursuite d’études entre filles et garçons. Et ces différences ont des conséquences sur l’insertion dans l’emploi ainsi que sur les inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes comme le souligne la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif (2019-2024) :

L’enquête de climat scolaire et de victimation 2017-2018 indique que les comportements déplacés à caractère sexuel concernent 11 % des lycéennes et que celles-ci sont deux fois plus souvent que les garçons confrontés aux violences graves et cyber-violences à caractère sexuel. Toutes les enquêtes interrogeant les perceptions des élèves confirment ce diagnostic : les filles et les garçons font l’expérience des inégalités dès le plus jeune âge. Un rapport de l’UNICEF de novembre 2018 révèle ainsi que les enfants ressentent très tôt, dans leur vie quotidienne, les différences fondées sur le genre, y compris à l’école.”[1]

Ainsi, dans les établissements scolaires, même quand ils sont mixtes, les relations ne sont pas égalitaires.

Les manuels scolaire[2] par exemple qui, quelle que soit la discipline, présentent ] toujours plus de figures masculines que féminines [3] ou encore certains albums de littérature de jeunesse [4]qui présentent les filles et les garçons dans des rôles  et des espaces bien déterminés [5] prouvent que le chemin est encore long.

Les enseignants, les enseignantes et l’ensemble du personnel éducatif ont ici un rôle clé à jouer en identifiant les points de vigilance et les stéréotypes de genres au sein des murs de l’école, en adoptant une posture propice à l’égalité filles-garçons et en mettant en œuvre une pédagogie égalitaire… C’est seulement de cette manière qu’il sera possible de faire changer les comportements.

De plus, en travaillant avec chaque élève sur cette thématique, les équipes enseignantes jouent un rôle important sur l’orientation et le choix des métiers de ces derniers. Ils auront sans aucun doute un impact sur leur construction identitaire et les relations égalitaires qu’ils pourraient entretenir avec leurs pairs.


Note des auteures
  • Pour découvrir la chanson d’Eddy de Pretto “Kid” et ses paroles et avoir une idée d’exploitation pédagogique, voir le site de La Haute Ecole HELMo, institution d’enseignement supérieur belge

[1]Extrait de la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif (2019-2024) p 2.

[2]Il est utile de consulter à ce propos la page de Canopé : Canopé : faire des manuels scolaires des outils d’égalité

[3]Voir :https://www.centre-hubertine-auclert.fr/education-pour-des-manuels-scolaires-et-des-supports-educatifs-non-sexistes

[4]Voir par exemple la vidéo de Virginie Houadec sur le site pédagogique Matilda  éducation pour avoir des exemples d’albums jeunesse proposant des stéréotypes : Matilda,,   Vidéo : Couverture des livres jeunesse : apprenons à regarder par Virginie Houadec ou  se référer au conte de “La Belle au bois dormant” évoqué dans l’article de Manuelian, M., Magnan-Rahimi, N. & Laroque, L. (2016). La littérature pour la jeunesse et le genre : un corpus face à ses contradictions ?. Le français aujourd’hui, 193, 45-62.

[5]Belotti, E. (19944). Du côté des petites filles,  éd. Edition des femmes.

Une nécessité : former le personnel éducatif

Face à ce contexte, et pour essayer d’y remédier, la convention interministérielle a défini plusieurs axes d’intervention.

Le premier axe a pour objectif de sensibiliser par tous les moyens possibles la communauté éducative aux enjeux de l’égalité de genre.          

Une idée serait par exemple de diffuser les résultats de la recherche sur le genre et l’éducation[1] [1] pour les faire connaître au sein de la communauté éducative.

Le deuxième axe vise à transmettre aux jeunes une culture de l’égalité et du respect mutuel en faisant attention de ne pas véhiculer dans nos disciplines des stéréotypes de genres.

Il faut aussi encourager les jeunes à prendre des initiatives, à agir, pour dénoncer les inégalités afin qu’ils deviennent eux-mêmes moteurs de la lutte contre les discriminations.

Le troisième axe lui, propose de déconstruire les stéréotypes liés au sexe et à la sexualité. Cela peut passer par les manuels scolaires ou par le choix des œuvres littéraires et artistiques proposées en classe qui pourraient présenter plus d’exemples féminins.

Il est possible  aussi de favoriser la mixité au sein des équipes pédagogiques pour diversifier les modèles donnés aux élèves. 

L’éducation physique et sportive est une autre discipline sur laquelle s’appuyer  pour lutter contre les stéréotypes sexistes liés au corps et aux pratiques sportives.

Le quatrième axe a pour objectif de lutter contre les violences sexistes et sexuelles en menant dans les établissements une politique de « tolérance zéro ».

Pour finir, le cinquième axe propose de s’orienter vers une plus grande mixité des filières de formation, en favorisant la découverte, par les filles et les garçons, de tous les métiers. L’objectif est aussi de faire évoluer leur représentation afin que les élèves soient libres de choisir leur filière d’orientation.

La lutte en faveur d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes est donc au cœur de nos enseignements. L’Institution en a fait l’une de ses priorités. Nous pouvons y travailler quotidiennement dans nos disciplines respectives mais encore faut-il être formés.

Mais est-ce suffisant ?

Le manque de formation est indéniable : les enseignants et enseignantes ignorent pour la plupart les recherches sur les inégalités entre les sexes. Par ailleurs, sont -ils  réellement conscients des inégalités qui peuvent exister au sein même de l’Institution scolaire?

Cela ne fait d’ailleurs pas ou très peu partie de leur formation initiale ou continue.

La plupart des textes, conventions, circulaires sont encore méconnus des équipes éducatives et quand c’est le cas; ils sont encore moins appliqués.  Les moyens de faire vivre ces textes au sein de l’école seraient la formation. Former les enseignants et les enseignantes aux pratiques pédagogiques égalitaires applicables dès le plus jeune âge  des élèves afin qu’ils puissent avoir un regard critique sur leur manière d’enseigner, les manuels qu’ils utilisent et la façon d’intégrer au sein de la classe la diversité des élèves…

Malgré une volonté de l’Institution de promouvoir une culture de l’égalité en luttant contre les stéréotypes de genre ou bien encore  en favorisant la mixité, force est de constater que des résistances existent et persistent au sein même de l’École.

Ainsi, ces résistances sont dues probablement aux modèles pédagogiques auxquels les enseignants et les enseignantes ont été formés et par là, à une certaine conception traditionnelle du métier.

Associer les équipes au développement d’une culture de l’égalité, les accompagner dans ce processus leur permettraient d’interroger leurs propres pratiques pédagogiques sous le prisme de l’égalité filles-garçons.

Ceci les engagerait comme professionnels à chausser les “lunettes du genre” pour développer leur esprit critique par rapport à l’ensemble de leur curriculum tels que les supports pédagogiques utilisés, les interactions qui se jouent dans la classe ou bien encore la place de chacun dans l’environnement scolaire, l’inégale répartition des espaces dans les cours de récréation et sur les terrains sportifs…

Ce n’est qu’à partir de cette prise de conscience qu’ils pourront alors modifier et faire évoluer leurs pratiques et contribuer ainsi à la construction  d’une société plus égalitaire qui permettra aux garçons et aux filles de s’orienter réellement en fonction de leur aspirations, de leur goûts et non de s’engager vers une orientation sexuée. Intégrer les élèves dans ce processus de réflexions et de partages de valeurs communes apparaît alors primordial afin d’ opérer un changement de regard et d’élargir le champ des possibles.

Comme le souligne Isabelle Collet, « enseigner est un métier qui s’apprend, enseigner de manière égalitaire s’apprend également »[1]


Note des auteures
  • [1] Voir le  Rapport n°2016-12-12-STER-025 du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes « Formation à l’égalité filles-garçons : faire des personnels enseignants et d’éducation les moteurs de l’apprentissage et de l’expérience de l’égalité » https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/174000144.pdf
  • [1] Se référer par exemple au numéro thématique de la revue Recherches & Éducations, 2, 2009 ou à la bibliographie “genre et éducation” du site Educaressouces

Une communauté d’apprentissage sur le Forum pédagogique du réseau mlfmonde

Sensibiliser les enseignants et les enseignantes dès le primaire, à la mise en place d’une pédagogie afin de prévenir et de lutter contre les stéréotypes, tel est l’objectif principal de cette communauté d’apprentissage proposée aux équipes du réseau mlfmonde.

L’égalité filles-garçons n’étant pas une discipline supplémentaire à mettre en œuvre mais une dimension à intégrer dans notre pédagogie, nous proposons de nous interroger sur les pratiques de classe afin d’œuvrer pour une école plus égalitaire et ainsi offrir aux garçons comme aux filles les mêmes choix.

Les objectifs de cette communauté sont :

  • Agir pour l’égalité filles- garçons à partir de leviers
  • Mettre en oeuvre une pédagogie égalitaire
  • Identifier des points de vigilance dans son lieu d’exercice
  • Adopter une posture propice à l’égalité filles-garçons
  • Réfléchir sur ses pratiques pédagogiques
  • Échanger et collaborer avec des personnes oeuvrant pour cette égalité

Les essentiels de cette communauté sont le partage, l’échange, des valeurs communes et l’accompagnement.

Il est encore temps de la rejoindre !


Une tribune de Céline Maaz, Françoise Hervé, Katia Moulai Dieng avec la contribution d’Audrey Bertin et de Jérôme Train, enseignantes, formatrice et formateur dans le réseau mlfmonde.

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