Diversité dans les établissements scolaires aux États-Unis
Mondialisation et démographie, quels défis pour l’humanité ? Quelles propositions pour de meilleures collaborations ? La capacité de communiquer efficacement dans des cultures différentes est une compétence essentielle pour que les citoyens éclairés puissent progresser et réussir dans une société multiculturelle.
Aux États-Unis, il existe une peur d’aborder les différences. Pourtant, le discours sur l’égalité doit s’articuler avec les différences qui existent. La diversité devient très vite, dans le discours, une identité à part entière. Lorsqu’il est question de race aux États-Unis, ce n’est jamais pour parler des blancs, mais des noirs. Les femmes sont décrites comme une « minorité » alors qu’elles représentent 52 % de la population et cette prétendue « minorité » constitue déjà bien une forme d’identité assignée.
L’école est décrite comme un espace neutre, ce qui est impossible. Les choix ne sont jamais neutres. L’acte de choisir un curriculum vitae lors d’un entretien ou même un système de pédagogie, l’acte de choisir quelle candidature sera étudiée, etc., Tous les choix qui sont fait ont toujours un caractère politique. Il faut simplement le reconnaître.
Diversité culture et inclusion
Pourquoi parler aujourd’hui de la diversité et culturelle et de l’inclusion, au-delà des seuls arguments à caractère moral ? Il se trouve que le monde change. La plus grande banque du monde n’a pas de liquidités. La plus grande compagnie de taxis ne possède pas de taxis. Le propriétaire du média le plus populaire du monde ne produit pas de contenus. La plus grande compagnie hôtelière du monde ne possède pas de chambres.
Le contexte actuel est celui de la mondialisation, d’un monde interconnecté, d’une révolution technologique, d’une migration globale, d’une raréfaction des ressources et d’une démographie changeante. Aux États-Unis, 55 millions d’Américains parlent au moins deux langues chez eux, ce qui est relativement nouveau puisque jusqu’à présent, les nouveaux arrivants abandonnaient leur langue maternelle pour devenir des citoyens américains (même si les États-Unis n’ont pas de langues officielles…).
En 2020, les ouvriers de plus de 55 ans représenteront 25 % de la population. En 2043, les blancs deviendront une minorité. La question de la race a, de fait, une place très importante aux États-Unis. Cette question n’est jamais évoquée s’agissant des blancs, considérés comme « majorité minoritaire ». S’il va à l’encontre de toute loi mathématique, ce terme renvoie bien à une notion idéologique.
En termes de diversité des identités sexuelles, près de six millions d’enfants ou adultes américains ont un parent LGBTQ ; par ailleurs, 150 000 étudiants entre l’âge de 13 et 17 ans s’identifient comme transgenre. Sur les identités économiques, la part des richesses possédées par 0,1 % des Américains est presque équivalente à celle de 90 % de la population restante. Les Américains en situation de handicap constituent la minorité la plus importante avec plus de 49 millions de personnes. Ces quelques statistiques donnent donc une idée de l’immensité du cadre des notions de diversité et d’identité.
« De quelles qualités auront-ils besoin au 21e siècle pour réussir à l’école, dans leurs carrières et dans la citoyenneté ? ». Cette question a été posée par Tony Wagner, de l’Harvard Graduate School of Education, à quelques 600 PDG ou chefs d’entreprise. Les réponses évoquent l’esprit critique, la communication complexe, le leadership et la collaboration, la maîtrise des outils numériques et informatiques, l’adaptabilité et le sens de l’initiative, l’intégrité et les choix éthiques ou encore la compétence culturelle et les perspectives globales. Cette dernière notion de compétence culturelle est plutôt nouvelle.
Le développement d’une compétence culturelle commence par une connaissance de soi avant de pouvoir connaître l’autre, une reconnaissance de sa propre identité et la conscience des autres. Cette conscience de l’autre inclut les identités visibles et invisibles, les hypothèses et les préjugés à travers lesquels nous voyons l’autre, les horizons de notre empathie et la différence potentielle entre notre intention et notre impact. La compétence culturelle consiste à prendre en compte sa propre identité culturelle et son point de vue sur la différence. Elle renvoie aussi à la capacité d’apprendre et de développer différentes normes culturelles et communautaires des élèves et de leurs familles. C’est la capacité de comprendre les différences intra-groupes tout en célébrant ses variations qui rend chaque élève unique.
L’identité s’apparente à une forme d’iceberg dont nos comportements extérieurs constituent la forme immergée et qui s’appuie sur des modes sous-jacents de représentation du monde. L’identité renvoie aux traits et aux caractéristiques des relations sociales et des rôles qui informent le concept du soi, ou encore, elle est le reflet des pensées et des sentiments passés, présents et futurs. L’identité est donc par nature évolutive. Elle correspond aussi bien à la façon dont la personne se perçoit, mais aussi à la façon dont les autres la perçoivent.
Derrick Gay a interrogé plusieurs personnes en leur demandant quels genres de catégories d’identités ils identifiaient. Ont été notamment cités la culture, la musique, la nourriture, l’âge, la religion, la profession, l’image de soi, les aspirations, les passe-temps, l’enfance, la popularité, l’orientation sexuelle, la race, l’ethnicité, la nationalité, la personnalité, l’éthique, les vêtements, la famille, le quartier, l’école, la santé, l’éducation ou encore le nom. Tous ces éléments font partie de notre identité. Des compétences physiques ou intellectuelles furent aussi citées comme la religion, la technicité ou le style d’apprentissage. L’identité affective renvoie, quant à elle, aux émotions, aux croyances, aux opinions, aux convictions et aux valeurs. L’identité comportementale a trait au style de travail (individuel ou collectif), au style de communication (directe ou indirecte). L’intelligence émotionnelle correspond à la capacité de reconnaître, comprendre et maîtriser ses propres émotions et à composer avec celles des autres.
Une autre métaphore utilisée pour comprendre cette notion de culture est celle d’un poisson dans l’eau. Si vous demandez à un poisson de vous décrire la nature de l’eau, il ne sera pas en capacité de vous répondre pour la simple et bonne raison qu’il y habite. Mais si vous posez la même question à n’importe quel autre animal qui habite hors de l’eau, il pourra vous la décrire avec des nuances.
Il est important que les représentations dans nos institutions soient le miroir des cultures afin de pouvoir apporter des perspectives différentes. Aujourd’hui, 82 % des professeurs sont des femmes blanches tandis que les étudiants sont à 52 % de couleurs de peaux différentes. L’inclusion diffère de la diversité. Lire des auteurs différents, insister sur les contributions scientifiques apportées par des femmes, parler d’autres compositeurs que les hommes, chercher à apprendre autour d’une pédagogie inclusive, etc. sont autant de pratiques à retenir.
La notion d’enseignement culturellement pertinent est très importante. L’expression a été créée par Gloria Ladson-Billings pour décrire « une pédagogie qui autorise les élèves intellectuellement, socialement, émotionnellement et politiquement, en utilisant des référents culturels pour transmettre des connaissances, des compétences et des attitudes ».
Dans ce type d’enseignement, les enseignants s’efforcent d’établir un pont entre la vie de l’étudiant et la vie scolaire, tout en répondant aux attentes des exigences scolaires de l’État. Un enseignement culturellement pertinent utilise les antécédents, les connaissances et l’expérience des élèves pour nourrir les leçons et la méthodologie de l’enseignement.
Un proverbe sufi dit que si vous croyez que vous comprenez 2 parce que 1 et 1 font deux, vous devez aussi comprendre tout le sens de ce mot « Et ». Et c’est justement dans cet espace que se trouve toute la notion de diversité.
Transcription de la conférence de Derrick Gay, professeur, conférencier, consultant en diversité, université de Pennsylvanie au #CongrèsMlf 2018
(Re)voir la conférence dans son intégralité