Mission laïque française

Toute formation, quel qu'en la soit forme (communauté d’apprentissage, journées de formation, participation à un cursus universitaire, classes culturelles numériques…) répond pour les participants à une intention de changement, à une mise en question plus ou moins prononcée de choix antérieurs. On se forme pour trouver sa forme. Cette tribune, à propos de la forme scolaire avec ses trois questions finales, peut aider modestement à dessiner les contours de cette forme et les linéaments du parcours que l’on envisage d’entreprendre.

Toute organisation correspond à l’agencement de divers composants en un ensemble, qui dès lors possède une forme définie. Il y a ainsi plusieurs modes d’organisation d’un syndicat, d’une association sportive ou culturelle, d’une entreprise.

Dans le domaine scolaire, lorsque le sociologue et philosophe Guy Vincent dans les années 80 évoque la forme scolaire, il préjuge que l’organisation des lieux pour apprendre (école, collège, lycée) présente trois caractéristiques communes :

  • Une organisation temporelle convenue : de l’organisation de l’année ( heures dédiées à l’école et aux congés), à l’emploi du temps de la semaine, à l’étude et aux récréations au cours d’une journée avec – selon l’âge des enfants, des scansions en demie heure à l’heure voire l’heure et demie-,  et même parfois l’organisation d’une heure de cours découpée en leçon, exercices types, exercices d’application individuels.
  • Un espace spécialement aménagé avec généralement des rangées de table, une estrade et un tableau. On notera que l’espace le plus à distance de ce schéma est celui des classes d’école pré élémentaire où des coins divers dédiés à des activités spécifiques existent.
  • Des règles pour cohabiter comme l’immobilité, le silence, l’écoute et le travail

La dernière organisation, la plus répandue, néanmoins déjà reconsidérée par l’Éducation nouvelle lorsqu’il rédige sa thèse, Guy Vincent la fait remonter à la Conduite des écoles chrétiennes de Jean-Baptiste de La Salle au XVIIè siècle dans laquelle trois méthodes pédagogique sont développées :

  • la méthode individuelle sur les principes du préceptorat (le maître enseigne un seul élève à la fois, chaque élève étant appelé à tour de rôle pour y recevoir individuellement sa leçon );
  • la méthode simultanée (celle le plus généralement en exercice, le maître s’adressant à tous les élèves dont le niveau est considéré comme homogène), la méthode mutuelle (proche d’un système d’école coopérative, es élèves travaillent entre eux, organisés en configurations variables, s’entraidant).
  • la méthode mutuelle (proche d’un système d’école coopérative, les élèves travaillent entre eux, organisés en configurations variables, s’entraidant).

Et aujourd’hui ?

Des évolutions ont vu le jour, sous la poussée de variables diverses.

Entre autres les courants de l’éducation nouvelle de l’entre-deux guerres auxquels Guy Vincent n’a pas accordé beaucoup d’importance à cause du caractère minoritaire des écoles qui se revendiquent des innovateurs que furent Freinet, mais aussi Montessori, Decroly, Cousinet, Steiner… ; la pénétration par souvent difficile dans l’école des nouvelles technologies (l’ordinateur individuel, la vidéo projection, le tableau blanc interactif, des ressources techniques diverses dans le monde scientifique) conduisant à minorer le côté magistral ; l’évolution des représentations des parents, des enseignants, des administrateurs vers davantage de participation des élèves à leurs apprentissages ; les attentes et les comportements des élèves ; l’émergence récente de nouveaux courants comme celui des compétences de vie ; la dynamique des didactiques disciplinaires… On ne peut parler que de multifactorialité en lien avec des évolutions sociétales, la trajectoire des recherches, l’adhésion ou non des associations d’enseignantes, de parents, d’administrateurs…

Ains,i la forme scolaire est aujourd’hui multiple.

Citons[1] :

  • les classes inversées : les élèves découvrant chez eux le plus souvent une notion à travers différentes ressources mises à disposition par l’enseignant, le temps en classe étant dédié à la mise en situation concrète des apprentissages lors d’activités réclamant interaction et collaboration).
  • les classes hybrides alliant enseignement en présentiel et enseignement à distance. Celui-ci est assuré par un enseignant d’une autre classe, par l’intermédiaire d’une institution type CNED…
  • la classe mutuelle – articulant enseignement simultané : pour expliciter en début de séance le déroulement, les objectifs, les concepts, enseignement mutuel (réalisations en groupes) et enseignement individuel. Les élèves ont des règles bien fixées mais disposent d’une liberté de mouvement, de parole, d’organisation, et ont une grande responsabilité.
  • La classe accompagnée fondée sur l’autonomie de l’élève et sur son parcours individuel. L’élève chemine à son rythme à travers des activités choisies pour résoudre une tâche complexe, réaliser une démarche d’investigation ou mener à bien un projet.
  • La classe flexible s’appuyant sur la pédagogie différenciée
  • La classe coopérative pour laquelle les apprentissages sont pensés en même temps que la socialisation des élèves.

On peut ainsi avoir l’impression que la forme scolaire est en pleine mutation autour de valeurs binaires  telles que : autonomie/coopération, enseignement/apprentissage, connaissance/compétence, normalisation/diversification, leçon/dispositif, contrôle/évaluation, auto évaluation/hétéro évaluation…

Ces couples de valeurs étant par ailleurs souvent vécus dans l’exercice de la profession enseignante non pas de manière contradictoire, mais complémentaire.

Alors, vous, à quelle forme scolaire vous ralliez-vous ? Et à partir de quelles valeurs ? Deux petits exercices sous la forme d’un questionnaire afin de vous aider, peut-être à y voir plus clair…

Note de l'auteur
[1] https://www.reseau-canope.fr/academie-de-nantes/atelier-canope-53-laval/actualites/article/la-forme-scolaire-de-quoi-parle-t-on-9.html

Tribune de Michel Develay, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Lumière LYON 2 où il dirige l’Institut des sciences et pratiques d’éducation et de formation. interviendra pour présenter les enjeux et pratiques des compétences de vie au sein des établissement. Il est membre du conseil scientifique de la Mission laïque française.

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