Quelles perspectives pour l’école en France après 5 semaines de confinement ?
Après ces 5 semaines de confinement, certains croient voir le bout du tunnel et l’espèrent fortement à court terme. Ils ont tort. En fait, nous ne sommes pas encore au milieu du gué que nous atteindrons peut-être en juillet si le Covid 19 le veut bien ; rien n’est moins sûr. Au Québec il se dit que le temps de transition pourrait être de 12 à 18 mois, jusqu’à la mise à disposition générale d’un vaccin et à condition qu’il n’y ait pas de sérieuses répliques ni de collision avec la grippe saisonnière ou d’autres virus.
Etat des lieux de l’école en France durant la pandémie
En France, les débats idéologiques sur l’École ont repris, répétant simplement ce qui se disait déjà depuis des lustres. En matière d’idéologie, il n’y a rien de nouveau sous le soleil comme si le Covid-19 ne devait avoir qu’un faible impact sur le système, voire pas du tout. Faisant ce que répugnent à faire les idéologues – Berk ! vont-ils penser, c’est indigne de l’École – cet article se limitera à formuler des remarques à partir de faits[1]. Nous pouvons aussi avoir en tête que cette crise sanitaire, économique, sociale et scolaire facilite des effets d’aubaine pour les puissantes officines d’accompagnement scolaire et pour les GAFAM, ce qui, pour le moins, insupportable.
Le roi est nu
Dans ce texte*, le roi est la corporation enseignante. Il en reste peu de semblables, sauf bien sûr celle des cheminots avec ses grèves annuelles depuis 40 ans en fin d’année, toujours sur le même thème : défense des statuts et des avantages acquis, autre façon de demander le statu quo. La corporation enseignante évite de se référer aux « avantages acquis » car elle affirme ne pas en avoir et elle emploie un autre vocabulaire. Là, avec le confinement depuis 5 semaines, ce n’est pas comme dans le conte d’Andersen. Inutile d’attendre qu’un enfant ingénu fasse observer que le roi est nu. Il l’est, tout le monde le sait et, plus fort encore, tout le monde sait que tout le monde le sait ! Nous le verrons dans la suite de ce texte. Le sociologue Jean-Paul Payet[1] considère lui aussi que « la crise a fait tomber les masques ».
Depuis le confinement, ici ou là, de nombreux groupes d’enseignants innovateurs et engagés peuvent agir selon leurs convictions, sans craindre d’être en permanence bridés par la technostructure et désapprouvés par leurs collègues en salle des professeurs où ils croisent les redoutables statuquologues. Ces sympathiques innovateurs engagés contribuent à améliorer l’image de l’École qui en a bien besoin. Sont-ils assez nombreux ? Pourront-ils longtemps continuer ainsi ? Les parents d’élèves apprécient leur action pédagogique qu’ils peuvent observer tous les jours et quelques professeurs deviennent même des vedettes[2] sur You Tube ou d’autres sites. Cela montre qu’un principe de plaisir partagé peut fonctionner. Un professeur des écoles m’écrivait : « nous formons déjà, au bout d’une semaine, une petite communauté apprenante qui chemine pas à pas ». Cela dérange quelqu’un ? Oui, sans aucun doute ceux qui sont incapables d’en faire autant malgré les aides techniques qui leur sont apportées. Le roi est nu.
[1] Dans l’Expresso du 24 avril 2020
[2] Véritable crime de lèse-majesté pour la corporation, très égalitaire formellement et par doctrine
*Ce texte, libre de tout droit, fait suite aux deux précédents sur le même sujet : Adresse aux enseignants et aux CPE. Il faut préparer le monde pédagogique d’après la crise et Premiers pas vers une nouvelle école. La crise sanitaire est un exceptionnel révélateur de questions taboues qui sont accessibles sur plusieurs sites dont ceux d’Horizons publics, de la Mission laïque française, d’Éducation et devenir, de Canopé et de Résonance (Valais).
L’école à distance en France : un effet loupe
La situation actuelle est un révélateur de l’existant antérieur à la pandémie – mais chut, il ne faut pas le dire ! – qui provoque une sorte « d’effet loupe ». L’enseignement à distance ne fait que révéler un peu plus les problèmes qui étaient là bien avant, en situation de « classe à l’école » — car désormais, il faut préciser : il y a « classe » et « classe » –. Par exemple, déjà avant la pandémie, nous avions, en gros, 25% des élèves en difficulté, voire en très grande difficulté.
Ils le sont encore plus aujourd’hui, en voie de décrocher peut-être durablement, c’est un fait patent ; mais ce n’est pas une raison pour que les 75% d’autres élèves ne puissent pas apprendre à leur rythme propre. Qui ose décréter cela ? Au nom de qui ? On ne peut pas envisager un pilotage de tout le système à partir des seuls décrocheurs dont il faut s’occuper de façon spécifique et sans paralyser tout l’ensemble. Sans attendre le retour à la situation antérieure qui viendra peut-être bien après le déconfinement et qui va donc beaucoup tarder c’est certain, une question naturelle mais iconoclaste[1] vient tout de suite: concrètement qu’ont fait de spécifiques les enseignants de ces élèves en grande difficulté pendant ces 5 semaines et que vont-ils faire durant les 7 prochaines semaines? Les lamentations de certains sont-elles la seule réponse ? Pourquoi, après le 11 mai, serait-il plus facile d’aller chercher les décrocheurs ? Cela se fera comment ? Avec les mêmes outils que pour l’enseignement à distance, essentiellement le téléphone ? Des pistes timides se dessinent. Le gouvernement vient de débloquer 15 millions d’euros pour accompagner les quartiers défavorisés, à travers un plan qui s’appuie sur les 80 cités éducatives et qui vise à assurer le suivi de 30 000 élèves d’ici le mois de juillet. D’autres actions pédagogiques spécifiques sont à imaginer par les équipes et à mettre en place à distance, dès le 11 mai, comme plus tard, beaucoup plus tard, elles devront se poursuivre en présentiel.
Beaucoup d’autres problèmes étaient là avant la pandémie : l’insuffisance du nombre de points d’eau dans les écoles et la piètre qualité des toilettes dans beaucoup d’EPLE ; le grand nombre de devoirs que reçoivent certains élèves, objets d’aucune coordination malgré la présence de professeurs principaux, c’est du chacun pour soi ; les incohérences des consignes que donnent les divers enseignants, clairement perçues par élèves et leurs parents ; l’absence de coordination des évaluations et leur manque de cohérence, etc. Rien de neuf sous le soleil. Le roi est nu, tout est sur la table, désormais visible de tous, en particulier des parents d’élèves, mais aussi de tous les enseignants qui, peut-être un jour, en tireront collectivement la leçon. Je rêve, me dites-vous ? Oui, sans doute, mais je préfère cela à faire des cauchemars. Je sais que la corporation ne régule pas, qu’elle préfère être régulée par sa tutelle pour, ensuite, contester les décisions prises. Un peu infantile n’est-il pas ?
Des élèves sont perdus de vue, mais des enseignants aussi ! Pour les contacts avec les élèves et leurs familles certains sont en dessous de la ligne de flottaison, à la limite du service minimal et là, dans cette situation, cela se voit, c’est fait, sans scrupule, aux yeux de tous et donc des parents qui ne vont pas tarder à créer des sites de notation des professeurs. Or il n’est pas dans la culture professionnelle du milieu pédagogique français de le faire remarquer et de pratiquer des régulations entre collègues qui valorisent un métier individuel exercé portes fermées. En termes d’image c’est certainement néfaste pour une corporation qui se lamente de son image ! La technostructure s’est faite discrète, pour ne pas dire absente, comme si le courage n’était pas au rendez-vous.
La classique et efficace tactique des statuquologues
On la voit déjà, cette tactique s’est très vite mise en place. Si le ministre n’a que 3 années d’expérience, la technostructure bureaucratique et les statuquologues sont à l’œuvre depuis 5 décennies, ils ne jouent donc pas dans la même division. En termes d’efficacité, il n’y a pas photo ! Comme ils regrettent l’école d’avant la pandémie, il leur est difficile de refuser la réouverture des établissements scolaires.
Pas bête la guêpe ! Ils ne peuvent évoquer que des raisons sanitaires, tactique très efficace. En préalable à tout il suffit d’exiger des pouvoirs publics (État et collectivités territoriales) l’impossible en termes de sécurité sanitaire ; c’est facile, car sur ce sujet très sensible aux yeux des parents et des personnels rien n’est jamais suffisant. L’un des syndicats classiquement statuquologues, FO, a même lancé une pétition contre la reprise avant l’été et d’autres procédures en termes de maladies professionnelles. C’est à pleurer ! De plus, quasiment n’importe quoi peut servir de prétexte au « droit de retrait » qui devient l’une de leurs armes favorites des statuquologues car il n’entraine aucune retenue sur les salaires. Et chaque jour ou presque, on peut changer d’argument. C’est donc malin de chez malin !
L’école en France pendant la crise sanitaire : des questions en suspens
Après 5 semaines d’enseignement totalement à distance il reste beaucoup de questions, ce qui est normal pour une situation aussi complexe, nouvelle et soudaine. Par exemple, l’enseignement professionnel se trouve privé des ateliers et des stages ; que faire ? Que faire également pour les 400 000 élèves souffrant d’un handicap et qui tardent à trouver ce qui pourrait leur convenir malgré « Cap école inclusive » mis en place bien tardivement qui remplace difficilement les accompagnants d’élèves souffrant d’un handicap et malgré le lancement récent d’une plateforme d’entraide pour les jeunes handicapés. Et pour les élèves allophones ou de familles itinérantes, que faire ? Sans doute la question est-elle plus facile à régler pour d’autres catégories d’élèves à besoins particuliers comme les 200 000 élèves intellectuellement précoces qui ne m’inquiètent pas beaucoup. La sécurité sanitaire exige également de régler la question de l’ouverture des cantines, des internats et comment se feront les transports scolaires.
Le temps semble venu pour que les parents d’élèves puissent échanger entre eux, sans être prisonniers des apparatchiks des d’associations bureaucrates. La FCPE, sous le prétexte qu’en général on ne fait rien dans les écoles à partir de juin (cela a au moins le mérite d’être publiquement reconnu !) demande que cette année soit une année blanche, le temps que chacun « fasse son deuil de la période écoulée », semblant donc dire que rien d’important ne s’était passé pendant les 5 semaines de confinement (oui, c’est difficile à évaluer car bien plus large que les contenus des programmes) et qu’il en sera de même pendant les 7 semaines à venir. Incroyable ! Candeur ou cynisme ? Je crains les deux. Les enseignants et les parents qui se sont investis doivent apprécier ! Quelle honte d’affirmer comme certains que les élèves « reprendront » leurs apprentissages ! De dire que jusque-là « ils bricolaient » ! Oui, certains professeurs se remettront à enseigner. Les élèves, eux, reprendront d’abord une forme de vie sociale, pour ceux qui viendront dans les établissements scolaires et ils poursuivront leurs apprentissages. Depuis 1950, existe en Australie un remarquable enseignement totalement à distance jusqu’à l’entrée de l’université. Qui oserait dire que ces élèves australiens n’apprennent rien ?
L’école à distance en France : un impact salutaire
Incroyable mais vrai, même la FSU peut faire des progrès. Dans une déclaration à un média, l’un de ses membres s’interrogeait sur ce qui peut se faire à distance, remettant donc en question le dogme, la seule réponse formulée jusque-là : rien ! Sans doute doit-elle tenir compte de ses membres qui se sont engagés dans l’action en direction des élèves, aux côtés d’innovateurs engagés et ont progressivement fait des découvertes pédagogiques. Il n’est pas interdit d’apprendre tout au long de sa carrière
Dans les faits, le système scolaire s’est montré plus résilient que ce que l’on aurait pu penser a priori. De différentes façons, il a continué à fonctionner ; laborieusement les premiers jours, puis de mieux en mieux. Les taux d’accès aux ENT ont été multipliés par 100, ce qui montre qu’avant ils servaient très peu et sans doute pas beaucoup au registre pédagogique (euphémisme !). Remarquons aussi que malgré cette situation inhabituelle, inattendue et non préparée, 98% des lycéens ont confirmé un vœu sur Parcoursup, plus que l’année dernière. Ils n’ont donc pas été déstabilisés par la situation et certains pensent même qu’ils ont largement tiré profit de cette plus grande autonomie.
Paradoxalement, l’enseignement à distance rapproche les personnes (tous ceux qui le pratiquent le savent) et au gré des acteurs, il a fonctionné même les samedis, les dimanches et pendant le temps dit de vacances de printemps, car dans de telles circonstances le termes « vacances » change de sens, même si certains ont feint de ne pas s’en apercevoir. Entre le milieu enseignant et la société civile, il va devenir un point de crispation. Se sont tissés des liens individualisés professeurs-élèves, élèves-élèves, professeurs-parents, professeurs-professeurs, notamment par des usages de WhatsApp et d’autres applications très appréciées des élèves.
En 5 semaines, sur le plan des compétences professionnelles, les enseignants ont progressé. Leur niveau de maîtrise des outils, très variable d’une personne à une autre, s’est d’abord avéré curieusement beaucoup plus bas que ce l’on pouvait imaginer. « On n’étaient pas prêts » répètent-ils. Les deux premières semaines auront été pour eux un temps d’apprentissage épuisant, qui n’est pas achevé et qui se poursuit. Par exemple, je remarque que très peu d’enseignants semblent utiliser les PAD pour écrire à plusieurs des documents, sans doute question de culture professionnelle. La fracture numérique entre eux était patente, les élèves et leurs parents l’ont bien constaté. Le roi est nu ! Cette soudaine expérience massive et générale pour un milieu professionnel relativement peu novateur a permis de mieux saisir ce qui se fait facilement avec différents appareils faussement équivalents : smartphones, tablettes, ordinateurs, proches pour faire de la simple communication, mais dissemblables pour un usage professionnel et scolaire. Et pour le cœur du métier d’enseignant, la différenciation et l’accompagnement individualisé se sont retrouvés à la place centrale. Les professeurs découvrent un autre métier à travers l’importance de certaines facettes essentielles de leurs activités. Dans la foulée, cela a entrainé une évolution (durable ?) des rôles, notamment des CPE revalorisés tant il y a des menaces de décrochages des élèves qui étaient déjà en difficulté bien avant le confinement, des professeurs-documentalistes qui peinent à être « professeur » (le roi est nu !), des professeurs-principaux (concept très léger) qui ne sont pas vraiment « principaux » (le roi est nu !), mais reçoivent des aides de l’ONISEP et continuent à percevoir leurs primes.
Une fois dépassé le constat initial que les ENT sont tristement peu performants (le roi est nu !), ils ont été boostés comme l’ont dit et sont arrivés à devenir une ressource mais un peu misérable parmi les autres, plus simples, plus efficaces et abondamment utilisées ; ces derniers resteront dans le paysage éducatif, à commencer par You Tube, WhatsApp, Discord… Le marché de l’éducation a ainsi été rendu visible, même aux yeux de ceux qui ne voulaient pas le voir et qui en niaient presque l’existence. Il devient une cruelle référence : le roi est nu !
Actuellement l’école est à la maison et la perspective pour le futur c’est, que la maison soit plus présente à l’école lorsqu’un temps nouveau sera venu : les conséquences seront lourdes et longues à intégrer. Les parents sont devenus indispensables et certains proposent même des activités pour les autres élèves à travers les réseaux sociaux, voilà qui est nouveau en France. Si l’on regarde l’une des séquences offertes par une enseignante, l’une des stars[1] pédagogiques sur You Tube, pour les 26 enfants de deux ans et demi à quatre ans de sa classe, même pendant les vacances, il apparaît que cela fonctionne puisque que les familles reviennent tous les jours. C’est aussi le signe que les parents apportent tout au long de la séquence, et sans doute après, une aide précieuse, faute de quoi, vu l’âge des élèves, il est clair que cela ne marcherait pas. L’idée de partage fait son chemin. Najat Vallaut-Belkacem dans une déclaration récente au Café pédagogique le reconnait. Dans le futur, des parents voudront assurer un rôle à construire dans la co-éducation, mais certes, pas tous. Comme il y a des élèves et des professeurs disparus, il y a sans doute aussi des parents disparus. Jusqu’à quel point leur engagement sera-t-il partagé par les enseignants ? Ces derniers sont-ils dans le même état d’esprit de collaboration que certains parents ? Ce n’est pas assuré, même si de petites évolutions sont perceptibles : le système apprend mais pas vite, nous le savons, et les travaux très médiatisés de certains chercheurs et courants de recherche[2] ne semblent pas encore s’être préoccupés de cette question ! Les statuquologues sont vent debout, le pied sur le frein. Leur principale erreur serait de vouloir, dans le futur, enseigner comme avant, comme si rien ne s’était passé. Comme beaucoup le pensent, c’est le rapport entre l’école et les parents qui est le plus modifié pour l’instant, avec même parfois des amorces de sympathiques petites communautés.
Ecole en France : préparer la nouvelle étape avant toutes les autres qui la suivront
Nous avons maintenant devant nous plusieurs nouvelles étapes. La prochaine, encore à imaginer commence le 11 mai et concerne le déconfinement qui n’est, ni en temps ni en modalités, le simple symétrique du confinement. Ensuite, après l’été, il y en aura d’autres, difficiles à percevoir. Nous ne pourrons pas éviter de nous demander si, comme certains le disent, nous entrons dans une nouvelle civilisation qui serait plus écologique, plus humaine et même, je me risque à le dire, plus humaniste. Nous en sommes seulement à préparer un déconfinement confus, complexe, en absence de tout consensus, sous la crainte des répliques de l’épidémie, en sachant que le virus sera encore là et pour très longtemps.
Le gouvernement s’apprête à présenter un ensemble de 17 plans ministériels pour le déconfinement, parmi lesquels celui pour l’Éducation nationale qui, selon sa longue tradition, a de la peine à jouer de concert avec les autres secteurs constitutifs de l’État en France et encore plus avec les collectivités territoriales. Comme on le dit pour les sports collectifs, il tente de « jouer un peu perso ! » L’école brûle, pourtant la corporation, le ministre et la technostructure bureaucratique regardent ailleurs. Les semaines qui viennent vont demander de très conséquents aménagements du temps pour les élèves et pour les enseignants, en sortant de l’habituelle uniformité formelle de l’organisation et en prenant en compte des considérations territoriales traditionnellement minimisées en France alors qu’elles s’imposent et sans doute de façon durable. Cela montre qu’il y a plusieurs façons de concevoir l’École de la République et que le modèle de la fin du XIXe siècle n’est pas le seul. On ne va pas jouer au « plus républicain que moi tu meurs ! », c’est sans intérêt. L’École de la République n’est la propriété de personne, surtout pas de pseudo gardiens du temple autoproclamés qui l’utilisent comme fond de commerce.
Le retour à l’école se fera sur la base du volontariat. Ces jours-ci[1] 82% des parents étaient favorables à cette idée de volontariat et seulement 1/3 d’entre eux, pour l’instant, envisagaient un retour à l’école pour leurs enfants dès le 12 mai, non pas le 11 car il faut bien aménager, sur temps scolaire des élèves, une journée de pré-rentrée pour les enseignants, surement impossible à placer avant, cherchez pourquoi !
Au moins jusqu’à la prochaine rentrée scolaire, et à mon avis bien après, il y aura quatre modalités différentes qui seront proposées, le choix entre elles revenant au parents et aux municipalités :
- L’école à l’école, de façon proche de ce qui se faisait avant le confinement ; ce sera peu fréquent, il se dit que seulement une école sur trois ouvrirait, peut-être pour 10% des élèves, guère plus dans un premier temps.
- L’école à l’école, mais selon de toutes autres modalités, à temps partiel (par exemple une semaine ou un jour sur deux), par petits groupes de façon alternée, le reste du temps les élèves étant à la maison, dans des associations ou d’autres tiers-lieux. Plusieurs options sont sur la table et fortement discutées par les collectivités territoriales. Ce sera peut-être la part la plus importante avec au moins 50% des effectifs.
- L’école à la maison avec toutes les ressources (publiques et privées) de l’enseignement à distance. Elle a un peu le vent en poupe depuis le confinement, mais il est difficile de savoir si cet effet sera durable ; sans doute le restera-t-elle un peu.
- Des systèmes hybrides, conçus en tant que tels et combinant des temps en classe, articulés avec du travail à distance. Ils préfigureront l’école de demain, mais ils n’existent pas encore en France.
Tout cela suppose des collaborations, de nouveaux partenariats et des aides complémentaires spécifiques. Peut-être même un « contrat scolaire » entre l’École, la Nation et la population sera nécessaire. L’école publique hybride va donc naître officiellement en France le 11 mai 2020 mais elle n’entrera dans le faits que plus tard. Elle se rencontre déjà depuis quelques années dans d’autres pays qui ne semblent pas avoir de mauvais résultats scolaires, ce qui me semble avoir de l’intérêt alors que certains de nos idéologues disent que seul importe le vivre ensemble. Sans doute serait-il démocratique de prendre l’avis des contribuables et des citoyens. Je pense comme François Dubet[2], que « l’on peut avoir quelques raisons d’espérer et de rêver que l’école en sorte transformée et meilleure ».
Bien que nue, la corporation, avec un grand courage et sans attendre la moindre injonction du ministre et de la technostructure qui ferait repoussoir, vient d’annoncer que pour faire face aux défis et préparer la prochaine année scolaire, elle rentrera en août, une semaine avant les élèves, afin de faire un bilan fin et complet de tous les cas particuliers (les enseignants s’y préparent déjà), de toutes les pratiques mises en œuvre, de ce qui a été enseigné et de ce qui ne l’a pas été, à travers tout ce qui aura été pratiqué jusqu’en juillet, sur 12 semaines, pour en tirer les conséquences en termes de stratégies pédagogiques et d’enseignements à mettre en place et enfin pour entamer en profondeur une réelle préparation de l’action qui s’avère bien nécessaire pour les enseignements. Bravo les profs ! Cela aura un gros impact positif sur la terne image de la corporation. Tous aux balcons pour les féliciter !
Vous avez cru à ce scénario ? C’est un poisson d’avril !
Yes indeed ! I am a mocking bird !
Article du Recteur Alain Bouvier Professeur associé à l’université de Sherbrooke