Mission laïque française

Un accompagnement personnalisé en co-intervention

Au lycée français Jules Verne à Santa Cruz de Tenerife, l'accompagnement personnalisé en 6e est conçu en co-interventions entre professeurs des premier et second degrés. Avec l'appui d'une formation assurée par Maryse Brumont, les équipes ont conçu différentes modalités de travail avec les élèves.

Genèse de l'action

Lors des conseils école/collège de 2015/2016 et suite aux bilans des observations croisées inter degrés (pratique consistant à visiter la classe d’un collègue et à le recevoir ensuite en se mettant d’accord au préalable sur une grille d’observables), les enseignants ont convenu de maintenir les regards différenciés sur les élèves du cycle 3, quittant le CM2 et intégrant le collège.

Objectifs poursuivis

L’objectif était d’accompagner les élèves face aux nouvelles exigences du collège avec bienveillance, en prenant en compte la situation de chacun d’entre eux.

Déroulement de l'action

– lors de la réunion de pré rentrée, il a été décidé de commencer l’AP par les fondamentaux « d’apprendre à apprendre » en liens avec les programmes ;
– puis, le 20 septembre, un stage d’initiative locale d’une journée, animé par Maryse Brumont a aidé nos collègues à mieux cerner tous les enjeux de l’accompagnement personnalisé et notamment tout l’intérêt des liens inter-degrés; à cette occasion, des outils pratiques ont été présentés afin d’aborder l’AP dans une même cohérence ;


– enfin, à la fin de chaque séquence (toutes les 6 semaines environ), un temps de concertation est organisé entre ces collègues afin de réajuster éventuellement leurs pratiques.
Lors de ces séances d’AP, tous les scenarii pédagogiques sont possibles : co-intervention, constitution de groupes, suivi personnalisé en classe, approfondissement avec un groupe plus « expert »… et, bien sûr, l’utilisation du numérique via salle informatique, CDI…

Techniquement, l’utilisation des heures de langues (anglais et espagnol) au primaire a permis de libérer 3 professeurs des écoles de CM1 et CM2 ; concernant le collège, l’accompagnement personnalisé de 6e a été mis en barrette avec ces heures, ce qui a rendu possible l’intervention des professeurs d’école aux côtés des collègues du secondaire en charge de l’AP.
Au total, six enseignants ont été mobilisés pour trois classes de 6e durant six heures.

Apports de l'action pour les élèves

Après échanges avec les élèves, ce double regard a l’avantage de les mettre en confiance, de renforcer la relation bienveillante « maître/élève ».

Apports de l'action pour l'équipe éducative

Pour l’équipe éducative, cette action permet aux collègues de mieux se découvrir professionnellement, de se questionner, voire de faire évoluer certaines pratiques. Nous pensons que ces relations professionnelles entre pairs sont un des ressorts fondamentaux pour une dynamique pédagogique cohérente.

Témoignages des acteurs du projet

M. Philippe Ballager, enseignant de CM1A

Expérimentale au début, l’AP mise en place depuis septembre dans le lycée permet une meilleure adaptation des élèves de sixième au collège car ils sont au cœur de notre projet par ces actions collaboratrices et, en retrouvant leurs professeurs de primaire, la transition est plus fluide tout en permettant d’aménager au mieux le parcours de chacun. De plus, un véritable travail commun entre professeurs des écoles et du collège se met en place dans l’établissement grâce à une reconnaissance mutuelle des compétences respectives au service des élèves qui en tirent un grand bénéfice. Nous cherchons donc à nous accorder sur la répartition des rôles de chacun pour que la « mise en scène » paraisse crédible et qu’aucun des deux enseignants ne se sente mal à l’aise dans ce dispositif.
En effet, cela permet aux élèves d’observer différents points de vue et aux professeurs, par une mise en place implicite d’une nouvelle culture commune dans la manière de transmettre un savoir, à mieux utiliser les ressources de chaque enfant tout en motivant une construction du savoir entre pairs. L’apport didactique me semble davantage amené par le professeur référent de la classe qui reste le maître d’œuvre ; le professeur du primaire apporte un aspect pédagogique différent par ses interventions au plus près des demandes spécifiques avec, à l’esprit, la bienveillance nécessaire pour aborder des notions plus difficiles.
Les enseignants apprennent à se mieux se connaître, à partager puis à modifier leurs pratiques ou cultures pédagogiques au service d’enfants davantage acteurs dans la construction de leur parcours scolaire en devenant peu à peu des collégiens à part entière… Cela fait également plaisir de constater une évolution positive chez certains en grandissant.
Nous fonctionnons principalement en co-intervention intégrée avec intervention simultanée des professeurs des 1er et 2nd degrés au sein du groupe classe. Tous les élèves réalisent la même tâche, à leur rythme, en profitant de l’étayage rapproché des enseignants plus à l’écoute. Parfois, nous avons eu recours à une co-intervention décrochée dans laquelle l’enseignant du primaire peut s’occuper d’un groupe restreint d’élèves à l’extérieur de la classe pour travailler un point précis compris par les autres afin de pallier les difficultés, mais ce n’est arrivé qu’une ou deux séances pendant une partie du temps.
Les enfants de sixième ont davantage pris confiance en eux, sont plus autonomes et prennent des initiatives pour des tâches plus complexes car ils savent qu’ils trouveront une aide ou quelqu’un disponible et à l’écoute.
Il serait intéressant d’avoir un moment de préparation commune pendant la semaine mais c’est une réussite pour le moment.

Mme Sara Fergé, enseignante de 6ème

Concrètement, nous avons travaillé en co-intervention pour amener les élèves à s’exprimer, à se corriger et à perfectionner leurs textes, notamment remédiation « écriture » à travers le projet « correspondance ». Nous nous sommes partagés naturellement l’espace dans la classe et endossons le même rôle. Comme nos compétences professionnelles ne sont pas exactement les mêmes, nous avons pu avoir un regard croisé sur nos façons de faire et mis en place des moyens d’apprentissage auxquels je n’aurais pas pensé seule. Par exemple, suite à un travail sur le vocabulaire des émotions, nous avons fait un jeu de mimes où chaque élève devait faire deviner une émotion à la classe, ce qui a permis d’ancrer ce vocabulaire dans la tête de nos élèves de façon ludique.
En remédiation « oral », même fonctionnement (co-intervention, même rôle dans la classe), en revanche en remédiation « lecture », pendant que je travaille avec un groupe d’élèves, ma collègue gère les autres qui ont une fiche d’activités et doivent travailler en autonomie, mais qui ont quand même souvent des questions ou qui ont des rythmes différents (nous travaillons grâce aux ressources du ROLL, mise à disposition par un autre enseignant de CM2).
Le bilan est très positif car je ne pourrais pas travailler de façon aussi approfondie avec les élèves sans ce système de co-intervention. De plus, la façon de travailler/conseiller/guider les élèves n’est pas la même en 6e et en cours moyen, ce qui « assouplit » un peu ma pratique. Cependant la concertation doit être prioritaire et plus régulière.