Mission laïque française

Jeu de diplomatie et de stratégie pour comprendre les enjeux géopolitiques du Moyen-Orient

Création d'un jeu de plateau de diplomatie et de stratégie sur le Moyen-Orient actuel : mieux comprendre en s'amusant. L'objectif étant de rendre plus accessible cette complexe question en histoire au programme de Terminale. Il s'agit aussi de contribuer à animer le club Modèle des Nations Unies (MUN) et de favoriser la filière OIB (projet de le traduire en arabe et de faire des tournois avec les établissements marocains).

Genèse de l'action

De nombreux animaux apprennent en jouant. Pourquoi pas nous ?

Pourquoi l’école ne (re)met-elle pas le jeu au centre des apprentissages ? Ce jeu de stratégie est un moyen de motiver les élèves sur des questions aussi complexe que le Moyen-Orient.

Dans le cadre du Club du Modèle des Nations Unies (MUN) du lycée, de l’Option Internationale au Bac et de l’histoire en classe de Terminale, un jeu de stratégie et de diplomatie est en cours d’élaboration depuis avril 2016 : « Diplomacy Now Moyen-Orient« .

L’idée est venue en avril 2016, en partant du constat suivant : l’émergence de puissances régionales au Moyen-Orient non seulement capables de rivaliser entre elles pour la domination de la région sans ingérence étrangère (ce qui est relativement nouveau) mais aussi capables d’influencer la politique des grandes puissances traditionnelles notamment en raison de leurs réserves en pétrodollars.

La première version du jeu a été mise au point entre fin juin-début juillet 2016 et a été testée d’abord avec des collègues de l’établissement puis des amis en France durant l’été. Les élèves du club MUN, les OIB et les Terminales ont été prioritaires pour tester ce jeu durant l’année 2016-17. Une nouvelle version plus rapide et plus fluide a vu le jour et a été testée en mai 2017 puis durant l’année 2017-18 (tests avec des élèves, des collègues et des amis).

Le système de jeu est désormais suffisamment au point pour envisager une publication, des tournois en particulier entre établissements. Il ne manque « plus que » d’ajuster quelques règles et de travailler sur une belle maquette (plateau du jeu : carte du Moyen-Orient, cartes Évènements, fiches Puissances, pions).

Objectifs poursuivis

1) Mettre le jeu au cœur des apprentissages à l’école (et non uniquement comme moyen d’apprendre dans les domaines extra-scolaires). Tous les grands mammifères apprennent en jouant : c’est donc un retour aux sources !

2) Éditer des jeux à la fois ludiques pour les élèves et en lien avec les programmes. Par exemple, ici, c’est le chapitre d’histoire de Terminale « Le Proche et Moyen-Orient comme foyer de tensions et de conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale » qui a motivé la création de ce jeu.

3) Développer des compétences citoyennes : créer un jeu est un travail collaboratif qui implique la mise au point de règles communes et leur respect ; organiser des séances dans le cadre du club MUN ; organiser des tournois (en projet) ; en projet aussi : utiliser le jeu comme pont entre les établissements y compris ceux locaux (le Moyen-Orient intéressent beaucoup les Marocains et monde arabe en général).

4) Le projet se veut transdisciplinaire : la langue arabe pour traduire le jeu et le rendre plus accessible aux établissements marocains voire au monde arabe. Possibilité de travailler avec les arts plastiques pour finaliser la maquette du jeu.

5) Valoriser l’OIB en privilégiant cette filière dans l’élaboration du jeu ou son organisation, en traduisant ce jeu en arabe et en organisant des tournois avec des établissements marocains.

Déroulement de l'action

Ce jeu de plateau s’inspire librement du célèbre jeu « Diplomacy » né sur les campus aux États-Unis dans les années 1960. A l’époque, il concernait l’Europe en 1914. Les 7 joueurs incarnent désormais une puissance régionale du Moyen-Orient actuel et sont en concurrence pour la domination de cet espace stratégique. Par exemple, l’Arabie saoudite et ses alliés peuvent s’opposer à l’Iran et sa coalition sans qu’ils soient, comme par le passé, sous l’influence des grandes puissances. Désormais, ces puissances régionales émergentes sont suffisamment autonomes pour définir leur politique régionale avec beaucoup moins d’influence étrangère.

Mini-tournoi le 6 juin 2018 avec des 1ères S et OIB

Les unités militaires de chaque puissance étant à force égale dans le jeu, la constitution d’alliances est nécessaire pour gagner et c’est là qu’interviennent les négociations … avant la stratégie ou la tactique.

Le plateau de jeu est une carte du Moyen-Orient qui a été découpée en provinces maritimes et terrestres. Chaque province fonctionne comme une case d’un vaste échiquier. C’est l’alliance qui contrôle le plus de points stratégiques sur la carte qui gagne la partie. Par exemple, Port Saïd sur le Canal de Suez est un point stratégique à la fois terrestre et maritime, Damas, un point stratégique terrestre…

Chaque joueur possède une « Fiche puissance » qui résume les forces et les faiblesses de l’État incarné. Des cartes Atouts et Évènements servent de jokers et permettent en même temps d’assimiler les éléments historiques ou géographiques de la région. Par exemple, les cartes « Coup d’État » ou « Embargo » sont des cartes d’attaque qui permettent d’affaiblir une puissance rivale. A l’inverse, des cartes comme « Aide des Églises chrétiennes » ou « Soutien de l’OTAN » sont des cartes de défense. D’autres plus neutres, comme « Réunion de l’OPEP », « Intervention de l’ONU » , « Diplomatie » donnent certains avantages.

La carte « Intifada » ne peut être jouée que sur Israël tandis que la carte « Révolte kurde » ne peut être jouée que dans un État touché par la « zone  kurdistan » alors que la carte « Réfugiés et déplacés » ne peut être jouée que sur une province adjacente à une zone de conflit… Bref, les cartes-jokers sont soumises à des conditions simples pour être employées de manière cohérentes. Elles servent aussi à rééquilibrer les puissances entre elles. Par exemple, la Turquie, l’Iran, Israël et l’Égypte sont les plus fortes puissances militaires au début du jeu, pour compenser et équilibrer le jeu, les joueurs Saoudiens, Syriens ou Irakiens ont droit à utiliser davantage de carte-jokers comme celles du soutien russe ou étasunien …

Les élèves aiment beaucoup y jouer et ne voient pas passer les 3 heures pour terminer une partie (ils ne voyaient pas passer également les 5 heures de jeu dans l’ancienne version …).

Conditions de réussite de l'action

Les élèves comprennent vite que la situation géographique impose certaines alliances. Par exemple, une opposition entre l’Égypte et Israël amoindrit les chances de gagner pour ces deux puissances. A chaque fois qu’une de ces deux puissances a fait partie d’une coalition gagnante, elles étaient alliées … On comprend mieux pourquoi l’Égypte a été le premier État arabe à signer la paix avec Israël en 1978 : sa géographie a joué un rôle important.

Suite à deux années de parties-test avec des amis, des collègues et surtout des élèves, le jeu qui durait plus de 5h a été considérablement réduit et rendu plus fluide par des règles désormais très éloignées de la version des années 1960. Une partie en « mode tournoi », soit seulement 4 joueurs autour de la table, se termine en 2h de jeu si les élèves connaissent les règles. Cela permet d’organiser un tournoi sur une journée avec 3 parties successives possibles.

Le système de jeu fonctionne bien et il est quasiment au point. Il manque quelques ajustements au niveau des cartes-jokers. Le travail final consistera à réaliser une belle maquette du plateau de jeu, des « fiches puissance », des « cartes-jokers » et des pions.

Apports de l'action pour les élèves

1) Apprendre en s’amusant, en particulier une question difficile comme le Moyen-Orient dont la résonance est mondiale. Cela peut peut être aussi une passerelle à l’éducation aux médias.

2) Impliquer les élèves dans la construction de l’outil pédagogique, l’organisation des séances de jeu, de tournois. En faire des citoyens, c’est-à-dire des acteurs responsables.

3) Développer des jeux collaboratifs où, pour gagner, il faut jouer en équipe.

Apports de l'action pour l'équipe éducative

1) Tout collègue peut tester le jeu et apporter sa pierre à son amélioration.

2) Nombreuses disciplines concernées (voir plus haut) ; histoire-géographie, EMC, arts plastiques, arabe OIB mais plus si l’on veut traduire le jeu en plusieurs langues.

3) Le système de jeu peut être adapté à la Première Guerre mondiale en Europe (pour le Centenaire par exemple) voire à la Seconde Guerre mondiale ou la Guerre froide. Ce qui peut intéresser d’autres collègues.

Liens utiles

Sur le site du Lycée Français d’Agadir les articles relatifs au jeu « Diplomacy Now Moyen-Orient ».

Remarques

Perspectives pour ce jeu

1) Créer un atelier avec des élèves sélectionnés pour leur motivation ou leur compétence afin de finaliser la version publiable du jeu (étape à mettre en place).

2) Développer des tournois dans le cadre de club MUN ou autres types de clubs. Y compris des tournois avec des établissements locaux.

3) Trouver un éditeur pour publier le jeu. L’inspecteur a conseillé de se rapprocher de Canopé …

Beaucoup d’idées de jeux pédagogiques sont encore « dans les cartons ».