Mission laïque française

Crise sanitaire : l’espoir est devant nous…

Apres trois mois d'interruption des ses chroniques, Alain Bouvier a décidé en ce mois de mai 2021 d’en rédiger une ultime. Un ciel bleu semble se dessiner après plus d'un an de crise sanitaire...

La période écoulée dans une grande effervescence, fut une longue et riche. Impossible de dénombrer les tonneaux de fake news ! Cette chronique pourrait presque se limiter à aborder le sujet des règles sanitaires devenues un excellent analyseur de notre système éducatif. Le processus d’ensemble est limpide : sans cesse, après chaque étape, en viennent de nouvelles ; jusqu’à quand en sera-t-il ainsi ?

Depuis mars 2020 en France, la crise a procédé à un scanner sans précédent de notre école.

Les trois mois qui viennent de s’écouler ont repris, au moins une fois, toutes les phases précédentes, mais pas nécessairement dans le même ordre, ni avec la même intensité et offrent ainsi un formidable grossissement avec des révélations fracassantes du rôle réel des différents acteurs. Sur trois mois on a refait une année complète, avec ses réussites, ses échecs, ses dysfonctionnements, l’engagement des uns et la mise à très grande distance des autres, les « disparus » notamment, mais dont il ne faut surtout pas parler, la corporation s’y oppose.

Ce qui s’était vu pendant douze mois et, en raison du comportement de certains, pas toujours à l’honneur de la profession enseignante mais aussi de ses cadres, se distingue encore mieux dans cette phase. Je m’étais posé la question de l’avenir des évolutions brutales amorcées il y a plus d’un an par le système scolaire ; on le devine un peu aujourd’hui car l’hybriditude l’a emporté !

Mais quelle sera la suite quand des temps plus cléments reviendront ? Les vielles habitudes reprendront-elles le dessus ?

Crise en France : brefs retours sur janvier 2021

Pour rappeler les contextes évolutifs du moment et qui s’oublient vite, quelques éléments disparates méritent d’être cités. Ils rappelleront où nous en étions il y a seulement trois mois ! Le ministre, Jean-Michel Blanquer, proclamait alors, avec insistance, qu’il ne fallait pas fermer les écoles car « l’école n’est pas une variable d’ajustement ». Qui dirait le contraire ?

En cette fin janvier 2021, les directeurs d’écoles primaires exprimaient des propos apparemment divergents sur le niveau des élèves de CE1 ; 25% l’estimaient plus faible que les années précédentes alors que 20% le considéraient comme supérieur.

Je suis prêt à les croire, tous, car ils ne parlaient pas des mêmes élèves, chacun connaissait les siens et savait que l’influence des milieux familiaux est considérable. Ces directeurs notaient que les habitudes de travail des élèves avaient été conservées ; ce n’était pas le fruit d’un miracle, merci aux parents d’élèves et aux précieux liens entre professeurs et familles, quand certains enseignants ont su les entretenir. Pour la fondation Jean-Jaurès, le bunker était devenu une « forteresse lézardée », on ne pouvait que s’en réjouir.

Le 21 janvier, l’Inspection générale a rendu public un travail sur les effets bénéfiques de l’enseignement à distance. À cette occasion, elle a porté son regard sur les inspecteurs pédagogiques régionaux, regrettant que – sans doute trop occupés par d’autres lourdes tâches – ils n’aient pas observé les pratiques effectives de classes virtuelles. Elle en conclut qu’ils auraient sans doute besoin de bénéficier d’une solide formation. Soit ! Elle confirmait aussi que les chefs d’établissements avaient joué un rôle essentiel, mais insuffisant, de coordination pédagogique et que, dans les faits, ce rôle avait été très inégalement exercé. Qui en douterait ? Heureusement, l’Inspection générale est là pour relever ces faits !

Puisque j’évoque des questions d’évaluation du système (point faible en France), on peut noter qu’en mars 2021, la Cour des comptes a demandé que soient faits des efforts de structuration et de développement du numérique, en veillant à lutter contre la faible acculturation du milieu éducatif pour rendre les plans de continuité pédagogique plus effectifs. Rien à redire à cela.

Fin janvier 2021, les effets du couvre-feu à 18 heures dans 15 départements depuis le 2 janvier n’étant pas encore évaluables, c’était trop tôt, mais les pouvoirs publics comptaient sur un « effet de résonance », conséquence de prises de conscience de nos concitoyens. Mais est-ce possible en France comme dans certains pays ?

Le contrôle continu, qui va jouer un rôle conséquent au lycée, faisait craindre d’importantes différences d’appréciations entre les établissements.

Mais des proviseurs me faisaient observer, avec justesse, qu’au sein d’un établissement existent aussi de très importantes différences dans la façon de noter entre les enseignants (comme d’enseigner d’ailleurs, ce qui ne questionne personne. Le silence à ce sujet doit régner !). Il n’existe aucune régulation et ces disparités seraient même, plus conséquentes que celles entre les établissements. Avec un peu de recul, il faut noter l’incohérence et les contradictions des revendications des organisations lycéennes très versatiles, souvent simples vecteurs de propos des syndicats enseignants ou de fédérations de parents d’élèves, FCPE en tête. En début de crise les organisations étudiantes étaient défavorables au contrôle continu qu’elles dénonçaient comme sources d’inégalités, mais désormais, s’alignant sur les syndicats enseignants, elles voudraient que le Bac soit attribué exclusivement sur cette base. N’allez surtout pas y voir le résultat de manipulations !

Selon les constats faits en janvier par une inspectrice de l’enseignement primaire, les élèves de CP étaient heureux de retrouver l’école, mais ils avaient du mal à « redevenir élèves ».

Ils ne souhaitaient pas un nouveau confinement. Vive les copines et les copains ! La crise exacerbe les contradictions déjà là avant, mais moins visibles.

La continuité pédagogique n’est pas un sujet accessoire. Elle a été l’objet de circulaires, et chacun remarquera leur rythme inhabituel de publications sur une période de cinq mois seulement incluant deux fois des vacances : le 6 novembre, le 15 janvier, le 19 février et le 6 avril, si je n’en ai pas oublié.

Pour achever de patchwork qui situe l’école française en janvier 2021, je signale un intéressant sondage de la FCPE, mené par son Conseil scientifique présidé par Pierre Périer[1]. Il montre que 87% des parents étaient satisfaits (bravo, donc aux enseignants !), mais inquiets. La moitié d’entre eux jugeait l’école datée et rigide. Sachant qu’il s’agissait de parents adhérents de la FCPE, je me demande ce que diraient les autres parents d’élèves ! Quels qualificatifs emploieraient-ils ?


Note de l'auteur

[1] Qui me semble d’un tout autre niveau intellectuel que le triste sire de la FCPE que j’ai déjà évoqué, qui non seulement a perdu le procès en diffamation qu’il avait intenté à Jean-Pierre Obin, mais qui a été condamné à payer tous les frais de justice. Cela porte à faire confiance au monde judiciaire ! On a chacun ses petits plaisirs et il n’y a pas de mal à se faire du bien !

Quelques éclairages internationaux

Ne voit-on pas en ce début du mois de mai 2021 une comédienne s’épancher dans les réseaux sociaux en affirmant au sujet de la crise sanitaire : « ce n’était qu’une péripétie (…) On s’habitue à tout » ?

Dans quel monde vivons-nous ? Ce que certains, comme la ministre de la santé Agnès Buzin , qualifiaient de « grippette » en tout début de crise a déjà fait, en un an, plus de 3 millions de morts sur la planète[1], un million en Europe, près d’un demi-million aux USA et au Brésil[2], plus de 100 000 dans beaucoup de pays européens (130 000 en Grande-Bretagne, 112 000 en Italie, 100 000 chez nous, près de 100 000 en Espagne…). Bien sûr, chacun de ces nombres qui continuent d’augmenter est discutable mais ils fournissent des ordres de grandeur significatifs en attendant que dans quelques mois des études scientifiques voient le jour.

Rien n’est fini et la suite n’est pas écrite. Il y aura encore combien de nouvelles vagues (en certains lieux, comme au Japon, une quatrième commence ; fera-t-elle tache d’huile ?) et combien de nouveaux variants ? En ce mois de mai, considéré comme « inquiétant » par l’OMS, celui dit « indien » a déjà été détecté dans 44 pays.

L’Unicef fait observer que le tiers des élèves dans le monde sont dépourvus d’enseignement à distance, ce luxe des pays développés. L’Unesco parle de catastrophe générationnelle. Le nombre des enfants en difficulté, notamment pour la lecture, a augmenté de 20% en une année ramenant les résultats vingt ans en arrière.

Ce phénomène sera-t-il réversible ? Oui, sans doute, mais combien de temps faudra-t-il pour que la population scolaire mondiale retrouve son niveau de 2020 ? Assurément plus d’une décennie et, pendant ce temps, des élèves seront en grande difficulté, principalement dans l’hémisphère sud.

Alors que les écoles sont totalement fermées dans une trentaine de pays, elles sont ouvertes dans près de la moitié des autres. En particulier, la France s’est singularisée en maintenant ouvertes à tout prix ses écoles qui n’ont été fermées que 10 semaines, contre 15 en Espagne, 19 en Allemagne, 38 aux USA, une année au Mexique !

Ceci aura-t-il des conséquences mesurables par les enquêtes internationales ?

Nous le verrons, mais il est difficile d’imaginer qu’il en soit autrement. Viendront alors des questions auxquelles il faudra répondre : la France a-t-elle préservé la qualité et la performance des apprentissages en laissant ses écoles ouvertes ? L’écart avec les autres pays a-t-il été comblé ? J’en doute fort, pas avec l’Asie, c’est certain.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont employé une stratégie de lutte contre la pandémie très agressive et régionalisée, notamment en imposant un strict isolement de deux semaines à tous les voyageurs … à leurs frais ! Taïwan et la Corée du Sud ont fait sensiblement la même chose. Lorsqu’une 2e vague a menacé il y a eu un reconfinement immédiat dans les États concernés[3] avec une totale fermeture des frontières. À Auckland, en raison de 3 cas détectés, la ville de 1,7 million d’habitants a été immédiatement confinée et isolée du reste du territoire. Ces pays visent ce qu’ils nomment le « zéro virus », stratégie qui s’est avérée un succès. Il faut dire que leurs populations sont prêtes à en payer le prix, elles en ont le courage.

Chez nous aussi ? Que nenni ! Ni en Grande-Bretagne non plus où il n’y a eu aucune fermeture systématique des écoles en cas de virus détectés. Les conséquences sont édifiants. Entre la Grande-Bretagne et ses 130 000 morts et la Nouvelle Zélande, on observe les stratégies les plus opposées qui soient et des résultats à la hauteur de leurs politiques sanitaires. Comme nous l’avons dit quelquefois en des termes auvergnats : « c’est à la fin du marché que l’on compte les bouses ».

Si dès le 15 janvier 2021, à la suite des conséquences des fêtes de fin d’année, le Portugal a décidé son deuxième confinement général, l’Allemagne s’est trouvée confrontée à une 3e vague courant mars, conséquence du variant britannique. Idem en Italie, pays qui a dépassé les 100 000 morts pour avoir trop tôt assoupli ses règles sanitaires.

Espérons que ceci nous servira de leçon !


Notes de l'auteur

[1] Une étude récente dit que ce nombre pourrait, en fait, être le double.

[2] Bravo à Trump, Johnson, Bolsonaro ! On voit les résultats de leur populisme le plus stupide qui soit ! En fait, je doute qu’il existe un populisme intelligent !

[3] L’Australie est une fédération.

La variabilité des règles sanitaires

Les règles sanitaires font beaucoup de bruit avec de nombreux micro-changements à répétition : chez nous, elles ont déjà été modifiées neuf fois !

Elles dansent le tango, un pas en avant et deux en arrière ; on allège, puis on renforce, puis on allège à nouveau. Elles sont devenues l’obsession des organisations syndicales, leur évitant de se préoccuper de pédagogie et des apprentissages des élèves, sujets sur lesquels elles sont très mal à l’aise. Elles trouvent les règles sanitaires « hallucinantes » ; allez savoir pourquoi ! Perte de lisibilité ? Trop changeantes peut-être ? Il est vrai que les raisons des modifications successives ne sont jamais données, c’est le propre du marketing ; à chacun de deviner le pourquoi des choses et ce que l’on en attend vraiment, en favorisant l’expression de tous les fantasmes ! Les grèves locales et les droits de retraits sont nombreux.

Il n’est pas simple de savoir de quelle sécurité les enseignants ont besoin et plus encore les élèves. Le mocking bird a même trouvé amusant que les organisations syndicales au niveau national se soient plaintes, à la fin du mois dernier, d’être restées deux semaines sans réunion sur ce sujet avec le ministère ! Les pauvres, comment pouvaient-elles se distraire ?

Le 8 février en référence aux menaces des variants sud-africain et brésilien, les temps d’isolement furent allongés. Le 13 février on constatait que la fermeture de classes avait quadruplé dans l’académie de Nancy-Metz. Marseille semblait une bombe à retardement et les élus étaient de plus en plus favorables à une fermeture des écoles qu’ils réclamaient avec force. La continuité pédagogique semblait oubliée, soudainement, plus personne n’en parlait. Le ministère souhaitait que chaque équipe la conçoive et l’assure. Pourquoi pas, n’est-ce pas de la responsabilité des équipes pédagogiques ? Quant à l’évaluer, il ne fallait pas demander l’impossible aux enseignants qui, par tradition en France, n’évaluent pas grand-chose à l’exception de quelques productions des élèves.

Le 1er mars, ce fut l’annonce de la campagne « massive » de tests salivaires. Quand il y a 12 millions d’élèves, peut-on dire que 300 000 par semaine c’est « massif » ? Les mots perdent leur sens ! Comme d’habitude, aucune préparation n’était prévue. Les routines sont tenaces ! Le soi-disant pragmatisme est répétitif et consubstantiel de l’actuelle politique ministérielle. Chaque « solution » ainsi avancée sans réflexion pose de nouveaux problèmes. Qui fera passer ces tests et comment ? À quelle fréquence ? Le ministère évoque le recrutement d’étudiants. Nous ne sommes pas au bout de l’histoire.

Crise sanitaire : avec les vaccins, on n’est pas déçus !

On va de surprise en surprise. Avec les vaccins se rencontrent de nombreux problèmes de livraisons, d’une part entre les pays, et d’autre part au sein de chaque pays dès qu’il a une taille respectable comme l’Allemagne, la France, ou l’Italie.

Naissent des débats sur les effets secondaires de certains vaccins, la suspension ou l’abandon d’Astra Zeneca dans quelques pays, le besoin d’une troisième injection pour le Pfizer en raison de variants, etc. On ne risque pas de s’ennuyer !

Ainsi, avec les vaccins et les variants, deux nouvelles guerres sont engagées. La question de la vaccination des enseignants est une forte revendication des organisations syndicales, qui s’accompagne d’un faible enthousiasme des acteurs concernés. Dans l’OCDE, selon Éric Charbonnier, 19 pays sur un groupe de 30 ont pris des mesures pour une vaccination en priorité des enseignants. En France, un moment il fut énoncé qu’elle se ferait à partir de la mi-avril ; ceci a vite été oublié.

Le calendrier en plusieurs étapes jusqu’à la fin juin est désormais connu et commence à s’appliquer. On peut observer que lors du lancement de la première phase prévue, pendant deux semaines, les enseignants attendus sont venus en très petit nombre.

Par exemple, dans un département, les autorités sanitaires avaient réservé 440 créneaux de vaccination le week-end des 17 et 18 avril. Or 15 enseignants seulement se sont présentés. Peut-être en plaçant la vaccination pendant les vacances scolaires le résultat obtenu fut-il conforme à celui que l’on pouvait attendre. Il aurait sans doute fallu le faire sur le temps scolaire en mobilisant des remplaçants ! Les cultures professionnelles sont tenances. Aujourd’hui, avec l’approche des vacances d’été et les envies de voyages à l’étranger, les appétences à la vaccination vont, c’est certain, très vite augmenter. Curieux, non ?

Tout bouge sans cesse et bouscule une école qui, par nature, préfère l’immobilisme. Le choc est donc rude ! L’arrivée et l’invasion des nouveaux variants a été rapide. Depuis la rentrée, le SNUIPP évoque 125 000 élèves détectés comme porteurs d’un virus. Le variant anglais détecté en petits nombres en France en février est devenu majoritaire en mars contribuant à freiner le développement des variants sud-africains et brésiliens. En sera-t-il de même pour le variant indien ?

Dans l’enseignement primaire, les problèmes posés par le remplacement d’enseignants absents pour diverses raisons est considérable et pousse au recrutement par les recteurs de 6000 contractuels et de 8000 assistants d’éducation, avec de très grandes différences territoriales. Face à ce phénomène, la FCPE a réactivé son site Ouyapacours[1] qui permet aux parents d’élèves de faire des signalements de classes sans enseignants.

Arrive aussi le débat, un de plus, sur le passeport vaccinal avec, pour éviter les mots qui fâchent, diverses appellations envisagées (passeport sanitaire, passe sanitaire, etc.). En Europe, la France et beaucoup de pays poussent dans cette direction prenant l’exemple de ce qui se fait depuis longtemps pour la fièvre jaune. On annonce une formule européenne pour le 15 juin et en France la Chambre des députés, après quelques péripéties, a voté le 12 mai massivement en ce sens : 208 voix contre 85. Reste encore une question essentielle : pour quels usages servira un tel passe sanitaire ? Seulement pour franchir des frontières ou aussi pour des utilisations internes au territoire français comme l’accès à de grands événements ? C’est encore en cours de discussion.


De la procrastination au confinement

Fin décembre 2020, beaucoup de personnes demandaient que les écoles françaises ne rouvrent pas en janvier 2021.

La procrastination des pouvoirs publics, au plus haut niveau, allait devenir répétitive et de plus en plus visible car rien ne fut décidé. Après l’ouverture des écoles en janvier, le corps médical et des élus locaux poussaient à leur rapide fermeture, mais rien de tel n’était envisagé par ceux qui nous gouvernent.

D’autres mesures étaient arrêtées, dont un jeu subtil avec des « freins » et surtout des paris sur les effets bénéfiques des vacances de février. Le gouvernement espérait en un salutaire croisement des différentes courbes, mais il ne viendra pas comme nous le savons maintenant. Fin février cette procrastination très visible était de plus en plus mal acceptée. Semblait s’annoncer pour début mars une rentrée scolaire avec beaucoup de classes fermées pour cause de Covid et assortie d’une menace encore plus forte que les précédentes, de confinements locaux.

Les chiffres officiels étaient impressionnants. Quelques équipes d’enseignants se préparaient (oui, oui !) à enseigner à nouveau à distance à travers des classes virtuelles… Mais régnait la crainte de perdre une nouvelle fois des élèves… et quelques enseignants !

C’est le moment où commença un véritable thriller, avec un incroyable enchainement de décisions et une folle accélération pendant six semaines. Le 15 mars fut annoncée par le ministre la fermeture des cantines, mais pas des écoles. Trois jours après, le 18 mars, le Premier ministre déclara qu’en huit jours il y avait eu une forte progression des classes et des établissements fermés et que dans 16 départements les lycées devaient passer en mode hybride avec les fameuses « demi-jauges ». Cela pouvait se faire de façons diverses, mais selon le souhait du ministre. en veillant à préserver l’enseignement en présentiel en terminale, Le Premier ministre confirma que la troisième vague était là ; ainsi, elle devenait officielle.

Le 24 mars, comme d’autres élus locaux, Valérie Pécresse proposa d’avancer de 15 jours les vacances scolaires en Ile-de-France, disant que les écoles étaient sous pression et que des équipes pédagogiques entières souffraient d’épuisement. On notait une hausse de 40% des cas de Covid chez les personnels scolaires. Le 26 mars, il était décidé qu’une classe serait fermée dès le premier cas détecté dans 19 départements.

La Belgique fermait ses écoles et la France allait atteindre 100 000 morts, ce qui semblait n’impressionner personne, c’est incroyable ! Le 27 fut publiée une édifiante carte nationale des classes fermées. Aux enseignants qui se plaignaient du fonctionnement « en mode dégradé » et pratiquaient de nombreux droits de retrait, le ministre répondit, en faisant du Trump (c’est incroyable !), par la publication d’une vidéo sur Twitter montrant des Californiens réclamant l’ouverture des classes. I

l eut un gros succès, mais pas celui espéré ! C’est aussi le moment où furent évoquées les « mesures de freinage » et les « confinements souples », alors que des parents cachaient la contamination de leurs enfants qui de la sorte, à l’école, en contaminaient plusieurs autres et des enseignants. Sur le terrain, pour la coordination pédagogique, à quelques exceptions près, rien ne se préparait en cas de fermeture ; on ne change pas une méthode qui perd !

Le 31 mars, 60% des Français étaient favorables à un reconfinement des écoles. « Nous étions prêts » disent aujourd’hui des parents d’élèves, mais pas l’Éducation nationale, ni le ministre, ni la technostructure, ni les équipes enseignantes. Un DASEN, désabusé, me disait : « sur le plan éthique, il est plus facile de travailler avec nos partenaires qu’avec les acteurs de notre maison ».

Résultat, il n’y a pas eu de miracle.

C’est alors que le Président de la République en personne, dans une intervention attendue, a annoncé le 1er avril la fermeture générale des écoles avec un processus en plusieurs phases : du 5 au 12 avril, tous les enseignements se feront à distance. Du 12 au 25 avril, toutes les zones seront en vacances, L’habituelle répartition en trois zones fut donc supprimée. Le 26 avril les écoles primaires reprendront en présentiel et le second degré à distance. À partir du 3 mai, pour le second degré, la reprise se fera selon des modalités encore à préciser. Le temps de procrastination semblait donc achevé, mais pas celui de la complexité !

Les acteurs étaient-ils prêts ? Non, bien sûr, puisqu’il n’y avait pas eu de préparation, si ce n’est une nouvelle circulaire sur la continuité pédagogique (qualifiée par d’aucuns de cinquième roue du carrosse) publiée un peu après, le 6 avril, et des offres de « stages de réussite » organisés pendant les vacances de printemps. Si l’enseignement à distance fonctionnait de façon satisfaisante, ce serait donc un miracle ; mais s’ajoutant aux différents problèmes, tout portait à craindre que durant ce troisième confinement, plus encore que durant les deux précédents, il y aurait plus d’enseignants « perdus de vue » en attendant la suite, ou assurant un service ultra minimal et indigne. Hélas, ce fut le cas !

Le retour de l’école à la maison

Comme s’ils avaient des raisons d’en douter, les parents d’élèves se demandaient si les professeurs allaient jouer le jeu.

Pourtant, en principe, ils devraient être plus à l’aise et moins inquiets, ce n’était plus une première fois, mais une troisième et ils devraient avoir gagné en familiarité avec certains outils numériques, ceux proposés par l’institution éducative, mais aussi WhatsApp Messenger ou Discord, très familiers des élèves. On parle de Nation apprenante, de vacances apprenantes[1], mais, en fait, je ne vois guère d’écoles apprenantes où les groupes d’enseignants et les parents d’élèves auraient collectivement tiré les leçons de leurs inévitables et compréhensibles erreurs pendant les périodes précédentes.

N’apprend-t-on pas de ses erreurs ? Si, bien sûr, mais, à condition de pratiquer des retours d’expériences et des régulations, or ils sont peu fréquents, voire exceptionnels dans le milieu pédagogique français. On aurait pu aussi s’attendre à moins de difficultés techniques. Les ENT qui n’avaient pas été conçus pour accueillir un enseignement à distance généralisé avaient été renforcés par les Régions. Suffisamment ? Sans doute pas. Idem pour le CNED, opérateur de l’État, avec sa « classe à la maison ».

Le pire était aussi de retour. Jugez-en. On m’a fait parvenir un message envoyé à ses élèves par un professeur principal en classe de 1ere : « j’ai conscience que vous devez être inquiets à cause de cette nouvelle année très mouvementée. Vous pouvez me contacter si vous avez des questions, même si je ne suis pas sûre de pouvoir y répondre ! Nous apprenons tout comme vous les nouvelles chaque semaine par la télévision ».

Rien d’autre, aucune consigne pour la période d’enseignement à distance. Effaré, j’ai aussitôt voulu en savoir plus.

Cela s’était passé dans l’un des meilleurs lycées de centre-ville d’une métropole. De plus, l’enseignant en question était professeur de français. Comme chacun le sait, la première est une année essentielle pour le Bac en raison d’une importante épreuve !

Plus inquiétant encore, m’a-t-on expliqué pensant que je feignais d’être naïf : de nombreux lycées, en novembre 2020 étaient officiellement à 70% en mode hybride (qui était allé voir ? Les IPR ?) .Que faisaient les chefs d’établissement là ou se pratiquait un « faux hybride » : une semaine de cours en présentiel et une semaine avec pratiquement rien, sans exercices, sans devoirs, brefs, « vacances pour tous ! » (élèves et une fraction des enseignants) sous les yeux des parents d’élèves effarés et impuissants !

L’argument des professeurs qui pratiquaient ainsi est que les recherches sur Internet des élèves leur permettent facilement de trouver des réponses et augmentent les différences entre eux ! Il faut donc l’éviter. C’est l’équité mise au service de l’inaction des profs ! Bravo !! Spontanément, je pensais qu’au moins dans les classes à examen le sérieux l’emporterait ! Je me suis trompé et je suis tristement effondré. Que dit et que fait l’encadrement, les chefs d’établissement nomment ? C’est peut-être là que les IPR, eux aussi disparus, seraient utiles !

Tout se passe comme si aucune leçon n’avait été tirée des 12 mois écoulés. Une mère d’élève m’écrit : « ma fille, en 6e, n’a qu’une heure de cours en visio par jour ; est-ce normal ? ». Non, bien sûr, mais c’est un cas fréquent et il y a même des classes sans aucune classe virtuelle ! Que font alors les enseignants ? Voilà une bonne question ! Ces comportements sont-ils compensés par les enseignants qui travaillent toute la journée sur leur ordinateur et au téléphone et échangent beaucoup avec les élèves ? Espérons-le, mais vous me permettrez d’avoir des doutes.


c

Note de l'auteur

[1] Le sujet revient sur la table pour le prochain été.

La folie du mois d’avril

Le 5 avril, c’était le lundi de Pâques, jour férié en France. Les écoles ont repris le 6 et tout a commencé par plusieurs dizaines de cyber attaques venues de l’étranger (dans quel but ?) et de l’Hexagone (une plainte aurait été déposée), sur le site du CNED ainsi que sur les ENT dans certaines régions.

Dès le 7 avril a été annoncé un doublement des capacités de connexion ; 800 000 connexions au CNED, le double de la veille. Malgré cela, durant les trois premiers jours (sur quatre) des pannes et des bugs à répétition ont rendu inaccessibles des collèges et des lycées, parfois aussi le CNED, et encouragé un recours massif aux polycopiés (en 2021 ! Quelle image donnée de l’Éducation nationale !

Des recherches en communication ne tarderont pas à nous le dire. Le SNPDEN a aussitôt demandé que les deux semaines de vacances qui commençaient seulement une semaine après (admirez l’incroyable timing !), soient mises à profit pour éviter que cela se reproduise à la fin des vacances. Ce nouvel épisode interroge sur l’intérêt réel que porte le ministre au numérique. Après tout, c’est son droit, c’est lui le ministre, mais alors qu’il le dise, ce sera plus clair.

Pendant la période des vacances scolaires, les esprits furent accaparés par l’évolution de la situation et surtout par la question de la vaccination. Le 14 avril, Gabriel Attal insistait : « la 3e vague n’est pas dernière nous » et il indiquait le 15 mai comme nouvelle date totem, avec des possibilités de prendre des mesures territorialisées, redisant qu’après les 10 millions de vaccinés courant avril, les 20 millions le 15 mai étaient un objectif atteignable (on sait qu’il l’a été) et les 30 millions vers la mi-juin.

Gageons que dans les cours de masters en sciences de gestion il y aura bientôt des chapitres sur l’art de gérer les déconfinements ; nous avions raté les deux premiers, d’autres pays aussi. Pour le troisième, nous verrons. Tout cela fournira de nombreuses et riches études de cas !

Quelles seront les conséquences de ces changements successifs sur l’école ? Le 17 avril, la situation sanitaire commençait à se stabiliser et laissait espérer mieux d’ici deux semaines, d’autant plus que le 20 avril, 25% des adultes étaient déjà vaccinés. Le 21 avril, 79% des Français estimaient que les enseignants devraient être vaccinés en priorité. C’était aussi le discours syndical, mais les personnels concernés n’étaient pas sur la même longueur d’onde comme on a pu le voir.

Crise sanitaire en France : le grand tournant

La même folie va se poursuivre. Dans cette période démente, chacun entend ce qui l’arrange, mais un grand tournant devait se prendre en quelques jours. On pouvait observer que chaque pays gérait à sa façon son déconfinement, avec son calendrier propre et ses étapes.

En France, alors que 43% des salariés étaient en télétravail, les pouvoirs publics laissaient entendre que le déconfinement ne serait pas brutal, mais par étapes. À l’Éducation nationale, on annonçait les petits nouveaux pour la rentrée : d’abord, les tests salivaires pour un dépistage massif. J’espère que ce n’est pas dans le but de faire parler d’autre chose ! Il sera bientôt suivi, autre petit nouveau, des capteurs de CO2, qui représentent 300 000 appareils à poser aux frais des collectivités territoriales qui apprécient le cadeau.

Le 22 avril le Premier ministre donna des précisions sur le calendrier du déconfinement, évoqua une sortie programmée et phasée. La décrue réelle, mais de faible ampleur et lente, durera très longtemps, sans exclure la reprise de clusters et l’apparition de nouveaux variants. Jean-Michel Blanquer confirma la poursuite de l’enseignement hybride en lycées ainsi que pour les classes de 4e et 3e dans 15 départements.

Les concours et le BTS se passeront en présentiel. Les épreuves de spécialité du Bac sont supprimées, mais le Grand oral et l’épreuve de philosophie sont maintenus, ainsi que l’épreuve anticipée de français. Les épreuves en présentiel compteront pour 15% de la note finale. Le 24 avril, les trois quarts des Français approuvent ce déconfinement progressif et territorialisé et le 26, le Président de la République apporte des précisions supplémentaires.

Le même jour, on dépasse le sommet du ridicule ! La ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et l’innovation, muette depuis une année, annonce soudainement le retour des cours en présentiel à 50% à la mi-juin, quand la quasi-totalité des enseignements sont déjà donnés. Ce jour-là, elle a gagné le premier prix des moqueries sur les réseaux sociaux. À chacun sa gloire !

Pour la rentrée scolaire du 26 avril, les connexions furent plus fluides qu’avant les vacances, pour les ENT comme pour le CNED. Mais le lendemain, les régions s’insurgeaient contre l’État rappelant qu’elles ne sont pas de simples prestataires de services et que l’enseignement totalement à distance pour tous les élèves n’était pas dans le cahier des charges initial des ENT. Le 28 avril, rien n’avait été précisé pour les examens de l’enseignement professionnel toujours traité avec le même mépris et cela continue ! À partir du 3 mai, il y aura pour l’enseignement de l’EPS un nouveau protocole très allégé, une quasi reprise.

Le 29 avril, le Président de la République présentait le calendrier du déconfinement progressif, en quatre étapes étalées sur deux mois, jusqu’au 30 juin, mais avec des possibilités de coupures si nécessaires, en utilisant des freins territorialisés. Emmanuel Macron confirme un allègement du télétravail et l’arrivée d’un passe sanitaire à la mi-juin. Il souhaite que le Parlement se saisisse du débat sur les libertés publiques tout en s’interrogeant : « peut-être aurons-nous à vivre avec le virus pendant des années ? »

Il y a déjà des risques de rebonds en raison des imprudences et de 4e vague due à de nouveaux variants. Celui qui vient d’Inde fait de terribles ravages alors que le pays avait cru pouvoir reprendre une vie presque normale. Le 6 mai, 78% des parents sont favorables aux aménagements décidés par le ministre pour les épreuves des examens en présentiel et le rôle du contrôle continu.

En quelques jours, l’accès à la vaccination s’élargit plusieurs fois. Après les tests antigéniques, puis les tests salivaires, arrivent les autotests soumis à l’autorisation des parents favorables à seulement 70%. Ces autotests semblent annoncer une nouvelle usine à gaz irréalisable aux yeux des trois syndicats de chefs d’établissements publics mais bien conforme à notre culture !

Un nouveau protocole sanitaire ne devrait donc plus tarder. Vite, vite, nous sommes en manque ! Le 6 mai il est annoncé par le Président de la République qu’à partir du 12 mai il n’y aura plus de limite d’âge pour la vaccination, même s’il reste des populations prioritaires.

Comme celui de Toronto, les lycées français à l’étranger sont tributaires des règles sanitaires locales, parfois très contraignantes, ce qui risque de conduire certains élèves à devoir passer les sessions de rattrapage en septembre. Le SGEN vient même de se saisir de ce problème qui, à terme, pourrait conduire à de profondes modifications du Bac pour éviter de tels inconvénients.

On me signale que dans un collège de Valence (en France), les professeurs de langues n’ont pas prévu de classes virtuelles. Les élèves peuvent trouver du travail à faire, déposé par des enseignants sur un site ad hoc. J’en conviens, c’est déjà mieux que rien, mais quel bel exemple d’interactivité maitres-élèves ! Et les parents ne peuvent que voir passer ces trains peu glorieux !

Le corps médical et d’autres personnels du système éducatifs signalent la fatigue scolaire de certains élèves qui souffrent d’insomnie, du manque de vie sociale et d’instabilité permanente.

Ils auraient besoin d’en parler mais reçoivent souvent une aide modeste des professeurs qui considèrent que ce n’est pas de leur registre.

Ah ! Quels dégâts font tous ces cloisonnements professionnels. Aucun n’est au bénéfice des élèves. Les adultes pensent avant tout aux adultes. Bravo, c’est réussi ! Sans oublier que par ailleurs, en France, il y aurait 2 millions de personnes souffrant d’un « Covid-long » ; ce qui n’est pas rien ! Surtout pour une simple « grippette » !

Réussir ce troisième déconfinement

La réussite de ce troisième déconfinement sera une première peut-être difficile à réaliser en raison des deux précédents, très fâcheux, qui ont laissé des traces et qui n’ont pas déclenché pour le troisième, la préparation bien nécessaire de la part des acteurs. Il faudra aussi affronter des paradoxes ; par exemple vis-à-vis d’élèves qui avaient antérieurement des difficultés scolaires et qui disent avoir vécu pendant les confinements « leur meilleure vie ».

La crise dans son ensemble, la vaccination en particulier avec ses difficultés d’organisation interpellent notre système centralisé. À sa façon ParcourSup fournit une radiographie du lycée et de la première année d’enseignement supérieur accentuée par la crise. Quelles leçons en seront tirées ? Doit-on redouter que ceux qui ont profité de la crise cherchent à poursuivre des effets d’aubaine : exceptionnelles absences de règles et de contrôles sur les temps d’enseignement par classes virtuelles, par petits groupes, par tutorat individualisé, de conseils individualisés aux élèves et aux parents, de règles sur l’évaluation… autant de possibilités de refuser l’obstacle ! Dans un concours hippique, ce n’est pas la majorité, loin de là même, mais certains chevaux le font. De plus, faut-il craindre que cette crise ait donné un encouragement à la cybercriminalité ?

En septembre prochain, les vraies questions pédagogiques vont arriver en première ligne avec les élèves perdus de vue qu’il faudra raccrocher et ceux qui, en toute discrétion, décrochent en classe en se faisant habilement oublier. Et, bien sûr il faudra intégrer les nouveaux usages du numérique à l’école et à la maison, dans des schémas hybrides, qu’ils soient ici a minima ou là très conséquents.

Ce vendredi 14 mai, La Guyane est reconfinée pour au moins 17 jours. Ce confinement en annonce-t-il d’autres en France après l’été ? C’est possible. Dans l’Hexagone, la reprise est jugée à la fois positive et angoissante. Ne vient-on pas d’entendre l’OMS déclarer que durant la seconde année, la pandémie risque d’être beaucoup plus mortelle que pendant la première ?

Les 40% d’élèves satisfaits de « l’école devant des écrans » vont formuler des demandes inédites d’adaptation, d’accompagnement individualisé, de coaching, d’évaluation de niveau de compétences. Devant le risque de voir progressivement l’école abandonnée aux GAFAM qui guettent avec un œil gourmand cet instant et sans perdre son âme, il s’agira pour l’école non pas de travailler contre eux, car ce vain combat est déjà perdu, mais avec eux. Pas facile ! Certaines villes croient trouver une parade en offrant aux familles des formes de soutien scolaire gratuit ; c’est à étudier. Cela peut-il être suffisant ? Ce n’est pas sûr. Le retour à la normalité annoncé avec force mais raté en septembre 2020 a-t-il des chances de se produire de façon réussie et durable en septembre 2021 ? Nous le verrons ; il est trop tôt pour le dire.

Malgré tout, ou grâce à tout, en ce milieu de mois de mai, l’espoir est devant nous.


Tribune du Recteur Alain Bouvier, professeur associé à l’université de Sherbrooke et membre du conseil scientifique de la Mlf – 19 mai 2021

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