Mission laïque française

Bâtir une culture d’établissement

Bâtir une culture d’établissement - banniere

Projet d’établissement, autonomie : depuis des décennies, ces mots émaillent le discours politique et administratif sur l’éducation. Avec le temps, ils se sont usés et les pratiques auxquelles ils sont associés ont eu tendance à se bureaucratiser. En quoi la notion de culture d’établissement peut-elle apporter un souffle nouveau au management et plus largement à la vie d’un établissement scolaire ?


Construire une culture d’établissement, c’est s’attacher patiemment à créer les conditions d’une vraie politique associant tous les membres d’une communauté éducative, ce qui suppose l’existence d’une relation de confiance et d’attachement entre eux. C’est, contre la montée des individualismes, construire du commun, définir des finalités partagées. Compte tenu de ses caractéristiques génériques, un établissement d’enseignement français à l’étranger, qui plus est inscrit dans un réseau associatif, ne saurait faire l’impasse sur une telle démarche. Il est un laboratoire privilégié de cette recherche d’un bien commun.

Parmi les thèmes qui reviennent fréquemment dans les débats sur l’éducation, peu figurent en aussi bonne place que l’idée de donner aux établissements scolaires une « autonomie » plus grande, en leur reconnaissant des marges d’initiative accrues dans la définition de leur stratégie, leurs modes d’organisation et de fonctionnement, l’adaptation de leur offre d’enseignement. On entend souvent dire que le temps de l’école n’est pas le temps politique, pour signifier que celui-ci est toujours dans le court terme, là où la considération de la longue durée devrait s’imposer.  Eh bien ! en l’espèce, la longue gestation de l’idée d’autonomie de l’établissement n’a pas suffi, selon moi, à lui donner réellement naissance.

Voici deux textes pour l’illustrer.

Le premier est du général De Gaulle, dans ses Mémoires d’espoir , évoquant l’effort  considérable fait par la Cinquième République pour accompagner dans les années 60 la démocratisation de l’école: « Tout en m’ appliquant à mettre en œuvre dans l’Education nationale des palliatifs à la marée qui pourrait submerger l’édifice, j’envisage d’en bâtir un jour un autre tel que tous ceux qui auront à l’habiter, professeurs, administrateurs, étudiants, parents d’élèves prendront part directement à la marche, à la gestion, à l’ordre, aux sanctions, et aux résultats d’établissements devenus autonomes et qui devront ou bien fonctionner comme il faut, ou bien fermer leurs portes et cesser de gaspiller le temps des maîtres et des disciples, ainsi que l’argent de l’Etat. Mais dans ce domaine aussi, je sais bien qu’un pareil projet n’aura de chance d’aboutir que si quelque tempête dissipe les nébuleuses où s’égarent les milieux qualifiés ».

Le second est un texte de notre ministre actuel, Jean-Michel Blanquer, extrait de son livre publié en 2014, « L’école de la vie » : « La question est de savoir comment donner du pouvoir à chaque personne dans son champ de compétences. Lorsque l’organisation renforce les acteurs, leur fait prendre confiance, les désinhibe, on obtient ce qu’il y a de mieux. Le véritable enjeu pour l’avenir est l’autonomie de l’établissement scolaire. Il s’agit de responsabiliser les acteurs de l’établissement, en leur donnant davantage de pouvoir et surtout de faire en sorte qu’ils se considèrent entre eux comme des partenaires, et non comme des adversaires ».

Vous le voyez, l’autonomie de l’établissement scolaire reste aujourd’hui, « un enjeu pour l’avenir ». Et on s’interroge toujours sur « le comment faire » pour responsabiliser les acteurs locaux. Pourtant, vous le savez, en une cinquantaine d’années, les textes législatifs et réglementaires n’ont pas manqué pour reconnaître et définir cette autonomie, pour institutionnaliser le projet d’établissement, qui en est à la fois l’expression et l’instrument.

La première émergence dans la loi de la notion d’autonomie pédagogique, figure, dans la loi Haby. Ce qu’il faut y retenir, c’est que dans les années 1980 et 1990 s’est construit et développé un cadre juridique cohérent, ouvrant des espaces d’autonomie substantiels aux établissements secondaires, qui ont pris la forme en France d’établissements publics dotés de la personnalité morale.

 Le cadre était clair, mais la pratique le fut moins. Pour le dire vite, les acteurs locaux furent soumis à une injonction paradoxale : d’une part, un appel insistant à la responsabilité, à la mobilisation, autour d’objectifs que chaque unité d’enseignement devait se fixer dans un projet d’établissement, et d’autre part une gestion plutôt rigide des moyens attribués en fonction de grilles horaires arrêtées nationalement, fixant des horaires d’enseignement parfois au quart d’heure près et ne laissant évidemment guère de marges de manœuvre aux équipes éducatives. A cela s’ajoutait souvent la multiplication des contrôles a priori des projets d’établissement, tout à fait déresponsabilisante, au lieu d’une pratique de l’évaluation a posteriori des résultats, conduite à partir notamment d’une auto-évaluation. Tout s’est passé comme si l’Education nationale, tout en proclamant, et fortement à l’époque, l’avènement de nouveaux modes de pilotage, n’avait pas su prendre ses distances par rapport à une culture traditionnellement centralisatrice et reprenait d’une main ce qu’elle semblait donner de l’autre.

Ainsi, s’est développée une sorte de schizophrénie institutionnelle, avec un discours managérial inspiré en particulier du « new public management », visant à l’efficacité, à la modernité, mais tournant à une rhétorique un peu creuse et incantatoire parce que greffé sur un système de gestion et de références nationales très contraignant. Légitimement attachée au principe d’un système éducatif conçu comme un service public et élément majeur de la cohésion nationale, notre maison, dans les faits, a toujours du mal à dissocier l’unité nécessaire du système de son uniformité. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que le projet d’établissement soit devenu souvent un exercice formel et assez bureaucratique, loin de l’instrument politique souhaité, imaginé, autour duquel se rassemble toute une communauté éducative.

Plus tard, en 2005, ont été institués des contrats d’objectifs entre l’autorité académique et les établissements. Je doute personnellement que cette création ait été de nature à renforcer la responsabilité des acteurs locaux.

Culture d’établissement et système français

A-t-on vraiment progressé aujourd’hui en France sur la question de l’autonomie ? Je n’en suis pas sûr. Même si à l’évidence, la conscience est de plus en plus partagée que l’ensemble du pilotage du système doit être repensé dans une logique de subsidiarité. C’est là que l’observation du fonctionnement des établissements d’enseignement français à l’étranger peut fournir des leçons utiles pour faire évoluer les pratiques en France. Car ils apparaissent comme un terrain privilégié de la construction d’une culture d’établissement et de la recherche d’une gouvernance à la fois efficace et légitime, c’est-à-dire acceptée de tous.

La notion de gouvernance se situe sur le plan des pratiques, des comportements, elle tente d’apporter des améliorations à la prise de décision dans des systèmes complexes, elle fait appel à la concertation, à la négociation, à la responsabilité des acteurs dans une recherche d’efficacité accrue. S’agissant de l’efficacité d’ailleurs, on se souvient que les différentes enquêtes PISA montrent une connexion très claire entre le niveau des résultats des élèves et le degré d’autonomie des établissements dans un pays donné.

Une culture d’établissement n’est pas un « donné », c’est un « construit », qui s’élabore progressivement sur la longue durée. La politique institutionnelle des projets d’établissement a mis en quelque sorte la charrue avant les bœufs : en mettant l’accent sur les actions à produire, elle a sous-estimé l’importance des facteurs humains, notamment psychologiques, qui conditionnent la cohésion d’une communauté éducative. Construire une culture d’établissement, c’est bâtir du commun, mais, pour cela, il faut d’abord créer un climat de confiance entre tous les acteurs. Il n’y a pas de progrès en éducation sans un climat de confiance entre tous les acteurs. C’est vrai à l’échelle d’une classe, d’un établissement, d’un pays.

Nous ne partagerons pas ici les analyses souvent caricaturales selon lesquelles le système scolaire français se singulariserait par un climat de défiance: défiance à l’égard des élèves, entre chefs d’établissement et professeurs, entre parents et enseignants. Des choses ont été dites et, à notre sens, elles dénotent d’une mauvaise connaissance du système français. Nous faisons notamment référence à une note assez récente du Conseil d’analyse économique, qui affirme de façon péremptoire que le système scolaire français est fondé sur la défiance. En revanche, ce qui est exact, c’est que la construction de la confiance et du sens du collectif dans nos sociétés démocratiques avancées est un vrai défi.

Or, l’école, surtout en France, fonctionne comme un laboratoire des questions posées à la démocratie par le développement même de la démocratie. Ses concepts fondateurs, la liberté et l’égalité, y sont mis à l’épreuve avec une intensité remarquable. L’école est aujourd’hui l’institution où le problème principal de la démocratie en tant que régime des droits de l’individu, c’est-à-dire l’articulation de cet individu avec le collectif, est testé avec le plus d’acuité. Et, à mon avis, c’est une erreur de diagnostic de penser que l’école peut résoudre par des moyens pédagogiques des problèmes de civilisation résultant du mouvement même de nos sociétés.

L’une des caractéristiques les plus marquées de ce mouvement, c’est évidemment la montée de l’individualisme. Arrêtons-nous un instant sur ce phénomène et sur sa genèse. Le mot ne désigne pas ici une tendance de l’individu, un équivalent de l’égoïsme, mais il signifie que l’individu est devenu le seul fondement et le seul bénéficiaire de l’œuvre collective dans les sociétés démocratiques post-modernes. Alain Touraine dit qu’aujourd’hui il n’y a plus de société. L’action collective se réduit à de simples procédures de règlement optimal des rapports de force, par le droit et par le marché. L’horizon politique est remplacé par un horizon gestionnaire et, en bon gestionnaire, l’Etat norme désormais l’espace indéfini au sein duquel les individus vaquent à leurs occupations . Il assure la conciliation de leurs intérêts, postulés comme irréductibles, il régule le fameux « vivre ensemble », qui définit des règles de coexistence, mais certainement pas un horizon partagé ni des buts communs.

Car le seul projet qui paraît intelligible et légitime aujourd’hui est l’installation de l’Homme dans ses droits, un projet qui ne produit pas en soi de chose commune, on pourrait même dire qui est conçu pour éviter d’avoir à en produire, tant toute idée surplombante d’un bien commun peut apparaître aujourd’hui souvent illégitime, voire dangereuse.

l’humanisme de la Renaissance et rejaillit avec la philosophie des Lumières. Mais pour Marcel Gauchet, pour qui la sortie de la religion est le fil irrévocable de notre histoire, ce sont les quatre dernières décennies qui ont vu le parachèvement de ce processus et intronisé  véritablement l’individualisme contemporain.

Le philosophe Pierre Manent, lui, fait remonter au traumatisme fondateur des guerres de religion notre conviction que la chose à craindre par-dessus tout, c’est le fanatisme qui fomente les guerres civiles, le plus grand des maux, disait Pascal. C’est pourquoi, alors que les divisions sanglantes de la chrétienté appartiennent à un passé révolu, l’Etat moderne neutraliserait toute idée du bien désormais assimilée à un dogme religieux menaçant la concorde civile, la seule idée acceptable étant celle des droits humains. Il écrit : « On comprend que le même dispositif, nécessaire et salutaire lorsqu’il s’agit de réprimer ou éduquer des passions religieuses ou politiques incandescentes, devienne étouffant et stérilisant lorsqu’il traque la moindre manifestation d’une conviction un peu vigoureuse sur un sujet d’intérêt commun et incite à la regarder comme un signe d’intolérance ».

Pour d’autres encore, tout se passe comme si le souvenir des totalitarismes du XXème siècle, qui ont écrasé les individus, nié leur dignité, leur libre-arbitre, nous interdisait de concevoir que l’on puisse s’interroger sur ce qui nous rassemble et dépasse nos individualités. Plus aucune finalité commune ne doit être capable de contraindre les membres du corps social. Ceux-ci doivent simplement vivre côte à côte. Comme si le face à face entre individualisme et totalitarisme était indépassable!

 Pourtant, les démocraties libérales ne nient pas les bienfaits que peuvent offrir le sentiment d’appartenance, la confiance mutuelle, la fraternité, la solidarité, le civisme et la civilité, l’engagement au service de causes d’utilité publique. Elles ont simplement espéré se dispenser de faire de la politique tout en en conservant les fruits. Elles ont espéré qu’il suffisait d’organiser la coexistence des hommes pour assurer la paix civile. Ce n’est évidemment pas le cas, comme nous le montre encore notre actualité.

Que peut apporter le réseau des établissements mlfmonde à cette construction d’une culture d’établissement ?

Institution socialisante par excellence, l’école est elle-même touchée par les effets de l’individualisme contemporain et semble n’avoir plus d’autre finalité que d’assurer des prestations de services au bénéfice des individus. Ainsi, pour Meirieu, « l’Ecole, qui était une institution, est devenue un service: les échanges y sont régis par des calculs d’intérêts à court terme. Le pacte de confiance entre l’institution scolaire et les parents est rompu. Ces derniers considèrent souvent l’école comme un marché dans lequel ils recherchent le meilleur rapport qualité-prix ».

Cette question du rapport avec les parents est évidemment au cœur de notre sujet. Une enquête récente révèle que le moral des directeurs d’école primaire en France, qui étaient 30 % en 2004, 40 % en 2013, est en 2019 à 48 %et ils déclarent que les relations avec les parents d’élèves se sont dégradées.

Longtemps, il a été tenu pour acquis que la famille et l’école tiraient dans le même sens. Or, cette alliance, apparemment naturelle, s’est rompue. L’idéal d’épanouissement de l’enfant tel qu’il se manifeste dans le cadre d’une famille non répressive rend plus difficile l’articulation avec les règles, les normes de l’école, avec l’autorité inhérente à toute éducation dans le monde scolaire. L’espace privé de la famille reste le lieu des relations affectives et personnelles, mais alors qu’auparavant il préparait ses membres à en sortir pour trouver une place dans un collectif plus large, il semble qu’il fonctionne aujourd’hui à l’inverse comme un rempart contre la vie publique.

Jadis pilier de la collectivité, la famille s’est en quelque sorte privatisée et se décharge de son ancien rôle de socialisation sur l’école, tout en contestant parfois, au nom de ses valeurs affectives propres, l’institution scolaire et ses règles. Ce malentendu – mot employé ces jours-ci et qui fait notamment référence à un titre du sociologue de la famille François de Singly -surcharge et fragilise l’école. Ainsi, celle-ci est tenue d’assurer une bonne part des tâches de socialisation primaire qui incombaient traditionnellement à la famille. Le contrôle de soi, l’intégration des normes et des codes, la reconnaissance d’autrui, l’éducation à la civilité deviennent une mission prioritaire de l’école.

Dans une enquête TNS-Sofres publiée il y a quinze ans, à la question « qu’est-ce que l’école idéale ? », les participants répondaient vouloir qu’elle soit un espace affectif qui garantit l’épanouissement de l’enfant dans le respect de l’individualité de chacun. Au fond, une école qui aide l’enfant à devenir soi-même. Mais dans cette perspective, l’autonomie de l’enfant, sa liberté sont postulées dès sa naissance. Or la liberté doit faire l’objet d’un apprentissage, elle s’acquiert par l’éducation, elle n’est pas un point de départ,mais un point d’arrivée, et c’est tout l’art paradoxal du pédagogue que de savoir user d’autorité pour produire de la liberté. D’où ce malentendu: la visée des familles ne semble plus correspondre aux finalités de la scolarisation.

Comment sortir de ces impasses ? Comment surmonter cette paralysie politique et morale, cette sorte d’aphasie que nous nous sommes délibérément imposée ? Justement, en redonnant tout son sens au politique, c’est-à-dire à la recherche de finalités communes acceptables par le plus grand nombre. (Marcel Gauchet parle de la prépondérance contemporaine de la politique, c’est-à-dire la gestion de l’économie, du marché, et des demandes de droits, sur le politique, qui s’appuie sur la mémoire et l’imaginaire et qui a recours au langage symbolique). Il nous faut retrouver un peu de confiance dans la raison pour intégrer dans le champ du débat public, en plus des droits et des besoins individuels, les conditions indispensables à la vie collective. Combiner un régime de liberté individuelle avec une capacité d’action collective. Partout, il est urgent de construire du commun, de rassembler les hommes autour de projets partagés qui tendent à la recherche de l’intérêt général.

 Mais ce « faire ensemble » suppose l’existence d’une relation de confiance et d’attachement entre eux. Cette amitié – c’est le mot d’Aristote – ne peut apparaître et se développer, pour commencer, qu’à hauteur d’homme, dans nos vies quotidiennes. C’est cette petite échelle qui paraît la plus propice à l’élaboration apaisée de solutions concrètes, dans l’entreprise, l’association, la commune, à l’école… Et puisque l’école est la matrice de toute démocratie, on mesure l’enjeu éducatif capital de la construction d’une culture d’établissement partagée.

Voici donc notre lycée français international de la Mlf, ou partenaire de la Mlf. Ses caractéristiques très particulières en font un laboratoire idéal de cette construction.

  • C’est un lycée français pour la France, mais un lycée privé, de droit national, pour le pays d’accueil, dont il respecte les règles et les exigences souveraines ; sa nature est par essence composite, ce qu’on oublie trop souvent en France, et l’enseignement qu’il propose doit intégrer la langue et la culture du pays qui l’accueille. Il est toujours, sans nécessairement le mesurer clairement lui-même, dans une situation de coopération permanente avec la société qui l’entoure.
  • Scolarisant des élèves de nationalités différentes, il ne peut fonctionner sans développer une culture du dialogue, de l’échange, de la reconnaissance et du respect de l’autre. Ici, comme le disait Xavier North, lors d’un forum d’anciens élèves, la norme, ce n’est pas la France, c’est la différence. Car, qui est l’étranger dans un tel établissement ? D’ailleurs, pour moi, ce qui fait le prix de l’école française à l’étranger, c’est justement ce compromis entre l’universalisme français – chacun est un élève comme un autre – et le respect des identités particulières. Un compromis précisément laïque.
  • Autre caractéristique : une unité d’enseignement éloignée des donneurs d’ordres, le ministère de l’Education est loin, il n’y pas de collectivité territoriale de rattachement, pas d’équivalent du niveau académique. Le siège de la Mlf n’est pas comparable à une administration rectorale), les visites des corps d’inspection ne sont pas fréquentes.
  • Une situation de concurrence de plus en plus vive avec d’autres offres éducatives qui conduit l’établissement à devoir affirmer fortement son identité, ses atouts, son projet.
  • Point essentiel : un financement par les familles qui légitime plus encore qu’elles soient étroitement associées à la vie de l’établissement.
  •  Enfin, l’appartenance à un réseau associatif.

Tout cela dessine un espace considérable de responsabilités dont notre lycée français international ne peut pas ne pas s’emparer ; il lui confère l’ardente obligation de définir, à partir des objectifs fixés par le ministère de l’Education, ses buts, sa stratégie, et les moyens de la mettre en œuvre.

Mais c’est aussi la situation actuelle de l’enseignement français à l’étranger qui rend plus indispensable encore une mobilisation de l’ensemble de ses acteurs. Jusqu’à présent, c’est la réponse à la demande qui a fait croître l’enseignement français à l’étranger d’environ 3 à 4 % par an et laissé penser à tort que la tendance n’avait pas de fin. L’objectif de doublement des effectifs fixés par le Président de la République inverse la logique et implique une politique volontariste de l’offre. Il va falloir trouver de nouveaux publics, essentiellement étrangers, qui n’ont souvent que peu ou pas de rapports avec la langue et la culture françaises. Il va falloir convaincre dans un univers de plus en plus concurrentiel, où le marché de l’éducation se développe à toute allure. Cela suppose sans doute une stratégie globale de l’Etat français – elle est en cours d’élaboration-    mais, selon moi, sera plus déterminante encore la mobilisation de chaque communauté éducative, qui aura à faire valoir un projet éducatif cohérent et rassembleur. Les usagers potentiels voudront être sûrs qu’ils pourront faire entendre leur voix s’ils viennent dans nos écoles.

 C’est là que l’appartenance au réseau de la Mission laïque française constitue un atout majeur, car nous ne nous battons pas pour nos intérêts propres, mais pour défendre ceux de la langue, de l’éducation et de la culture françaises, et plus largement encore, nous nous battons pour l’intérêt des enfants. Nous ne considérons pas l’éducation comme un enjeu de marché, mais, sans grandiloquence, comme un enjeu de civilisation. Par notre histoire, nos convictions, la confiance dont l’Etat nous honore, nous sommes au plus près du système source de l’Ecole de la France dont nous portons les principes et les valeurs, et nous mettons au service de ces finalités, de ces idéaux un esprit associatif fait de collaboration, d’entraide, de solidarité entre les membres.

Une école de la Mission laïque française n’est jamais seule, même au bout du monde, elle fait partie d’une société. Au lycée français international Louis-Massignon, on ne peut pas être indifférent à l’école OSUI Paul Pascon de Laâyoune ou l’école OSUI Odette du Puigaudeau de Dakhla; au lycée français Molière Saragosse on n’oublie pas le Lycée français international André-Malraux de Murcie, au Grand lycée franco-libanais de Beyrouth on partage des ressources pédagogiques avec Tripoli ou Nabatieh.

Quelle meilleure illustration de cette solidarité que le succès que connaît, dans notre réseau, le forum pédagogique, cette plateforme d’échanges entre pairs, entre membres d’une même famille? C’est l’occasion de vous remercier tous des efforts déployés pour mettre en place ce forum, qui constitue l’un des traits caractéristiques de notre culture. Tel est en quelques mots le caractère propre de la Mission laïque française. La plupart de nos usagers l’ignorent, malheureusement, et notre effort collectif de communication en la matière doit être sans cesse renouvelé.

 Ainsi, la situation de vos établissements apparaît profondément originale et complexe, et la responsabilisation collective des acteurs locaux particulièrement nécessaire. C’est à chaque communauté éducative particulière qu’il appartient de bâtir un véritable système politique local, fait de pratiques, de styles de communication et d’échanges, de représentations, de symboles, en un mot de faire émerger une culture d’établissement.

Culture d’établissement : des solutions concrètes

Il n’existe pas de méthode universelle, puisque chaque situation est, par définition, particulière. Voici cependant quelques principes généraux, pas très originaux, mais qui contribuent, selon tous les analystes, à créer un climat favorable à la réussite des élèves et à renforcer ce sentiment d’appartenance sans lequel rien de positif ne peut être construit dans un établissement.

À grands traits :

  • un environnement général, des lieux, des temps aménagés qui incitent à l’apprentissage, au travail intellectuel; le rôle et la place du CDI * comme cœur de la communauté apprenante identifié par tous comme tel;
  • la bienveillance et l’exigence à l’égard des élèves, les deux allant de pair et procédant du principe d’éducabilité, qui veut que tout élève peut réussir; des attentes positives et élevées à l’égard de leurs performances;
  • une structuration claire des activités d’apprentissage, avec des évaluations régulières;
  • la cohérence du discours de tous les adultes aux élèves et la cohésion des équipes éducatives : tout le monde tire dans le même sens;
  • le sentiment que la règle s’applique à tous de la même façon;
  • la sensation d’être écouté et traité avec justice;
  • l’attention particulière portée aux plus fragiles;
  • la volonté collective de regarder ce que l’on fait, de s’autoévaluer;
  • une communication qui serve, au sens étymologique, à rendre commun, à faire partager, et pas seulement à transmettre des informations. Il est clair à cet égard que la généralisation des environnements numériques de travail a profondément bouleversé les moyens et les formes de la communication au sein des communautés éducatives, mais les meilleurs outils ne sont rien s’ils ne sont pas au service de finalités partagées.

Cependant, aucun de ces facteurs ne produira de résultat positif si on ne rend pas à l’école sa dimension institutionnelle. Ce qui rendra à l’institution scolaire sa consistance et sa pleine légitimité, c’est, au plan national, comme à celui de chaque établissement particulier, un large accord autour de ses missions et de ses conditions de fonctionnement. Il faut donc ré-institutionnaliser l’école, jusque dans son architecture, dans l’organisation de ses espaces et de ses temps Il convient de mettre en place des rituels, comme les cérémonies de remise des diplômes, de structurer des collectifs, d’instituer au fond un ordre acceptable.

Rassurez-vous, il n’est pas question ici d’un retour au lycée napoléonien. Nous sommes bien conscients que de nouveaux équilibres, grâce notamment au numérique, sont en train d’être trouvés entre travail individuel et travail collectif, entre le temps à l’école et le temps à la maison (cf la classe inversée par exemple).

Aujourd’hui, les espaces et les temps d’apprentissage de nos élèves sont plus ouverts que jamais et ne peuvent être cantonnés aux murs d’une école ou d’un lycée. Mais le but de l’Ecole comme institution ne doit pas être perdu de vue, il est simple : élever ensemble des enfants, des jeunes dans le souci du collectif pour qu’ils puissent plus tard faire société.

Transcription de la conférence de François Perret, président du réseau mlfmonde au #Congrès2019

François Perret, président de la Mission laïque française
Diplômé d’études approfondies de littérature et agrégé de lettres classiques, François Perret est inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale, ancien directeur de cabinet de Xavier Darcos au ministère délégué à l’Enseignement scolaire puis au ministère délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, ancien doyen de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, ancien directeur du Centre international d’études pédagogiques. Il a été élu président de la Mission laïque française en avril 2016.

(Re)voir la conférence

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