Mission laïque française

Dix bonnes raisons de créer une webradio

Une webradio est une radio diffusée sur internet. L’accessibilité d’un tel média y compris pour un jeune public en fait un outil pour un travail pédagogique. Voici dix bonnes raisons d’en créer une dans son établissement.

1. La citoyenneté et les médias : s’approprier un média et ses codes

Les événements des dernières années ont mis en avant l’importance et l’urgence d’une éducation aux médias et à l’information. Inscrite au même titre que les disciplines dans les programmes du cycle 4, elle prend tout son sens dans un exercice concret, à travers un média. C’est la raison pour laquelle le ministère de l’Éducation nationale invite chaque établissement à travailler autour d’au moins un média. C’est alors l’occasion de :

  • traiter des informations. Dans une société qui les produit de manière exponentielle, savoir les chercher, les trier, les sélectionner, les interpréter, faire preuve d’esprit critique à leur égard, en évaluant les sources, les contenus, les intentions devient primordial pour être un citoyen éclairé. Être placé dans une situation de production d’information renforce l’ensemble de ces processus cognitifs ;
  • travailler sur les codes liés à un média : tout média repose sur un échange d’informations entre un ou plusieurs émetteurs et un ou plusieurs récepteurs, selon des codes progressivement adoptés et désormais si bien rodés que les auditeurs pour la radio n’en ont plus tout à fait conscience. Travailler à la production d’émissions, de documentaires ou fictions radiophoniques vise à découvrir, s’approprier ces codes pour mieux les entendre et les mettre à distance ;
  • se forger une culture numérique qui implique de connaître les droits afférents à une publication en ligne : le droit à l’image – la voix en fait partie car elle est attribut de la personnalité – et le droit d’auteur – les extraits musicaux, les montages sonores dépendent des autorisations données par leurs auteurs, mais aussi droit des élèves auteurs d’une œuvre – notamment.

Ainsi, une classe média est animée à l’école franco-américaine du Puget Sound à Seattle.

Nous travaillons sur les médias avec les 7th et 8th graders pour notre learning lab d’automne. Nous mettons sur pied une classe média qui est en train de produire des contenus écrits, audio et vidéo portant sur ce qui intéresse les enfants. A priori, plusieurs rubriques se dessinent déjà, notamment une sur Seattle et une autre sur la France. Bien d’autres sujets seront abordés. Un padlet permet d’organiser le travail. Nous allons produire des podcasts (le premier devrait être une critique sur Persepolis de Marjane Satrapi) mais nous n’en sommes pas encore à pouvoir parler de webradio car aucune production ne se fait dans un contexte live. C’est cependant quelque chose vers lequel j’aimerais tendre si notre learning lab fonctionne bien. Ainsi, tous les collègues, de toutes les classes pourraient s’emparer de la classe média et proposer des contenus sous différents formats. La webradio et la webtv pourraient alors voir le jour avec l’enregistrement et la diffusion d’émissions en direct. J’ai des compétences dans ce domaine, j’ai travaillé un peu dessus avec le CLEMI en France.
Alexandre Ballet, professeur d’histoire-géographie
2. Engager les élèves dans une démarche de projet

Une webradio peut se développer dans de nombreuses situations d’apprentissage, en particulier celles qui s’appuient sur une pédagogie de projet :

  • pour réaliser un objectif de production, les élèves sont amenés à réinvestir ou à développer leurs compétences disciplinaires et pluridisciplinaires ;
  • ils doivent pour cela organiser, répartir le travail à réaliser, se fixer des délais ;
  • ils procèdent par erreurs et essais successifs, les conduisant à une démarche réflexive sur leurs apprentissages et à renforcer ceux-ci.

Les médias en général, une webradio en particulier peut donc être au cœur d’un enseignement pratique interdisciplinaire au collège, d’un enseignement d’exploration, dont le récent Informatique et création numérique (ICN), au lycée.


C’est ainsi, sous la forme de projets, que les collégiens que l’école internationale de New-York mènent leur webradio :

Nous avons deux enseignantes (une française et une américaine) en charge couvrant tous les niveaux. Nous essayons d’harmoniser au maximum les thèmes couverts par la radio avec nos programmes, de manière à pouvoir fonctionner avec les collégiens pendant les heures de cours sous forme de projet. Par exemple des projets d’éducation morale et civique (EMC) sur le droit à l’éducation avec enregistrement radio de la DPV ou du débat (volet engagement du programme EMC). Au second trimestre la production d’un reportage par les 4e est prévue dans le cadre d’un EPI (histoire-géographie-EMC et langues).
Nous avons pour projet aussi de participer au concours Mlf  C’est ton droit ! sous forme de reportages radio, comme l’année dernière, mais cette fois en impliquant toutes les classes de collège.
Une équipe de rédaction composée de deux élèves de 6e, deux élèves de 5e et deux élèves de 4e est désignée pour chaque émission sur la base du volontariat. Les élèves se réunissent avec l’enseignante française à la radio le mercredi matin pendant leur temps de récréation. Ils décident des reportages et interviews, ils écrivent les scripts, prévoient les enregistrements et écrivent le script de présentation de l’émission. Il est prévu aussi de les initier au montage si nous trouvons le temps de le faire. Certains enregistrements peuvent se faire pendant les temps de récréation, de déjeuner ou d’étude soit dans le cadre d’un projet pour une matière, soit dans le cadre de la préparation de l’émission. Les élèves écrivent les scripts de manière collaborative avec des outils numériques comme les pads. Les enregistrements dans les classes sont décidés avec les professeurs des classes concernés dès lors qu’ils ont envie de faire participer leurs élèves à l’émission. Avec l’équipe radio, ils peuvent alors conduire des micro-couloirs, enregistrer des temps d’activités (comme des discussions en classe), faire des comptes-rendus de sorties, etc.
Nous avons ouvert un compte twitter pour la radio @RadioEiny. Les élèves l’utilisent pour publier sur la préparation des émissions. Nous pensons utiliser ce compte twitter pour essayer de nouer des partenariats notamment avec des journalistes qui pourraient guider les élèves dans la préparation de leurs reportages.
Nowaki Asada, professeure d’histoire-géographie
3. S’exprimer à l’écrit et à l’oral

Le média radio paraît d’une extrême facilité et d’une grande fluidité de communication. Il n’en est rien : l’improvisation est peu présente, le média réclame de maintenir l’attention du public en choisissant un style et un niveau de langage, des tournures et des longueurs de phrases adaptés à une communication orale, des longueurs de programmes bien choisies. Tout cela réclame un travail d’expression écrite non identifié à la première écoute mais bien présent. C’est le moyen de mettre en évidence auprès des élèves qu’une communication orale s’appuie très souvent sur cette phase d’écriture, même si quelques libertés peuvent être prises et si, inversement, il faut apprendre à se détacher de ses notes pour ne pas ânonner.

De même, contrairement au travail sur l’expression orale mené ordinairement en classe, la webradio, du fait des enregistrements et donc des réécoutes possibles, permet de prendre conscience de sa voix comme organe, de mieux se l’approprier, d’en jouer, de la moduler ; elle invite aussi à mieux contrôler sa respiration, à apprendre à gérer son débit de parole, à améliorer sa diction et sa prononciation. Ce travail constitue donc un atout dans la préparation aux épreuves orales des examens, et, à plus longue échéance, dans la préparation aux multiples prises de parole professionnelles (entretiens de recrutement, présentation, discours, etc.) et personnelles.

4. S’exprimer en plusieurs langues

Outil de communication, la webradio est ouverte à toutes les langues et à leur apprentissage. Tout en créant une situation d’apprentissage motivante, elle favorise une expression personnelle riche, tant à l’écrit qu’à l’oral (voir ci-dessus).

Les projets autour de ce média se prêtent également bien au plurilinguisme, entendu ici comme fait d’avoir au moins deux langues de travail dans une discipline. Ainsi, le principe de l’interview peut être mis à profit pour générer, entre élèves, des dialogues où les langues s’alternent, impliquant compréhension dans l’une, expression dans l’autre.

5. Exprimer sa créativité

La webradio de demain n’existe pas… elle ne sera pas la radio (hertzienne) d’aujourd’hui même si elle aura des airs de ressemblance. Des genres qui s’en sont progressivement éclipsés peuvent être réinvestis et donner lieu à des objets tout à fait nouveaux.

En effet, petit à petit, les programmes des radios se sont appauvris de programmes auparavant appréciés, pour des questions de coût mais aussi parce que, parfois, ils se sont développés dans une forme audiovisuelle avec la télévision. Cependant, la radio a un pouvoir que la télévision n’a pas : elle suggère par le son et force à l’imagination pour qui l’écoute. Le langage, le style et le rythme, la musicalité des mots et leur sonorité peuvent ainsi créer un univers des rêves. De plus, la diffusion sur internet libère d’une grille et de formats normés tout en portant à la connaissance de tous les œuvres d’auteurs, professionnels ou amateurs, plus nombreux. À nous de faire preuve de créativité pour proposer de nouveaux programmes en s’inspirant :

  • des paysages sonores qui empruntent aussi bien à l’environnement sonore de chacun qu’à la création musicale ;
  • des pièces de théâtre radiophoniques puis la dramatique radio qui sont plus que des transpositions radiophoniques de pièces de théâtre classique. Elles utilisent des procédés propres à la création radiophonique pour créer un univers spécifique ; de grands auteurs en ont produit comme Beckett, Tardieu, Pinter, Handke et Pérec.  Ainsi, les élèves de l’École franco-américaine de Chicago (EFAC), réalisent chaque année une pièce de théâtre radiophonique ;
  • etc.
Ces webradios qui nous inspirent…
6. Améliorer l’ouverture sur les autres

Investis dans un projet collectif, s’exprimant, à même de prendre conscience de ses progrès, valorisés par les retours, y compris hors cadre scolaire, les élèves renforcent l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes mais également des autres.

De plus, la webradio, pour être toujours alimentée, nécessite d’avoir des choses à dire. Elle invite donc à aller à la rencontre de l’autre dans l’établissement, ou à pousser les portes de celui-ci pour faire des enquêtes documentées, recueillir des témoignages, réaliser des interviews, etc. Elle représente donc une opportunité pour une ouverture culturelle, artistique, scientifique.

7. Enrichir le parcours avenir

Les élèves enrichissent leur parcours avenir en :

  • découvrant les métiers liés à la radio, au journalisme, à la création et à la gestion du son ;
  • bénéficiant parfois de l’intervention de ces professionnels pour les guider dans la création et l’animation de leur webradio ;
  • travaillant plus spécifiquement la découverte des métiers et des formations comme thématique d’émissions, par le biais de reportages, d’interviews, etc.
8. Établir des liens au sein de la communauté éducative

La webradio, comme les autres médias scolaires, participe à tisser des liens au sein de la communauté éducative :

  • les élèves présentent leurs projets, relaient les événements marquants, s’interviewent. Ainsi, en 2014-2015, le grand lycée franco-libanais de Beyrouth animait une radio proposant une tribune libre par et pour les lycéens ;
  • les parents découvrent le travail réalisé par leurs enfants et leur vie dans leur établissement ;
  • des partenariats avec des intervenants extérieurs sont mis en place et en valeur par le média.
9. Valoriser l’excellence de l’offre éducative de l’établissement

Cela participe alors de la visibilité de l’établissement sur internet, dans l’environnement local ou à plus petite échelle. Par la qualité des productions des élèves, les auditeurs découvrent la qualité de l’offre éducative de l’établissement, tant dans la maîtrise des savoirs et compétences que dans les méthodes actives mises en œuvre.

10. Bénéficier de la souplesse du numérique

Sur le plan technique, enfin, le numérique offre de la souplesse par rapport aux radios hertziennes par :

  • l’installation matérielle ;
  • les logiciels qui permettent simplement d’enregistrer et d’éditer du son ;
  • la possibilité de créer une diffusion en direct et en flux continu comme une radio classique ou de mettre à disposition les enregistrements sous la forme de podcasts accessibles à tout moment ;
  • une consommation culturelle qui s’appuie de plus en plus sur internet (par rapport à la diffusion sur ondes hertziennes), permises et augmentée par les appareils mobiles et personnels ;
  • l’affranchissement des procédures d’autorisation de diffusion qui existent sur les fréquences radio mais pas sur internet ;
  • une mise à disposition qui ne connaît pas de limites géographiques.